Voci dal profondo
Autres titres: Voix profondes / Voix d'outre-tombe / Voices from beyond / Voices from the deep
Réal: Lucio Fulci
Année: 1990
Origine: Italie
Genre: Fantastique / Horreur
Durée: 91mn
Acteurs: Duilio Del Prete, Karina Huff, Pascal Persiano, Lorenzo Flaherty, Bettina Giovannini, Frances Nacman, Paolo Paoloni, Sacha Darwin, Antonella Tinazzo, Damiano Azzos, Rosa Maria Grauso, Robert Daniels, Tom Felleghy, Lucio Fulci...
Résumé: Giorgio Mainardi décède brutalement victime d'une hémorragie interne. Sa mort est d'autant plus surprenante qu'il était en bonne santé. Sa famille demande une autopsie. Chacun des membres aurait très bien pu l'assassiner vu l'importance de l'héritage. Et tous auraient eu de très bonnes raisons. Malheureusement le bocal contenant les viscères de Giorgio est brisé par une mystérieuse silhouette. L'autopsie est annulée et l'affaire classée. Rosy, sa fille, va mener l'enquête guidée par la voix de son défunt père. Elle doit découvrir la vérité avant que son corps ne soit entièrement décomposé...
Lucio Fulci aura régné sur le cinéma de genre italien durant plus de trente années. Tel un chat (noir) il aura connu plusieurs vies, de ses innocents débuts à ses heures de gloires en passant par sa triste déchéance dés le milieu des années 80, période où il signa très certainement les pires oeuvres de sa longue carrière. Aenigma, Les fantômes de sodome, Soupçons de mort ou pire encore Un gatto nel cervello sans parler des téléfilms qu'il produisit. A l'aube des années 90, déjà malade, Lucio Fulci continue cependant de tourner et bizarrement il réalise deux films qui sans être des chef d'oeuvres, loin de là, vont très
légèrement faire remonter sa cote auprès de ses admirateurs. Le premier, en 1990, n'est autre que Demonia, un banale histoire de sorcellerie sicilienne qui mange un peu à tous les râteliers mais se laisse visionner avec un certain plaisir malgré ses nombreux défauts et Voix profondes, une petite pellicule d'horreur qui sera son ultime film puisqu'il décède quelques temps plus tard.
Un riche industriel, Giorgio Mainardi, meurt brutalement d’une hémorragie interne. Sa famille demande une autopsie puisque Giorgio semblait en pleine santé. Vu l'argent qui est en jeu chacun soupçonne l'autre d'avoir causé sa mort afin d'hériter de cette colossale somme. En
fait tous ont une bonne raison d'avoir voulu le tuer, son épouse Lucy la première, fatiguée de ses coucheries, et sa maitresse Rita. La vénale et très autoritaire Hilda, la première femme du père aujourd'hui grabataire de Giorgio, est aussi une coupable idéale ainsi que son fils Mario. Le petit David, le beau-fils de la victime est un coupable potentiel, l'enfant se complaisant à jouer à des jeux souvent malsains. Malheureusement la veille de l'autopsie le bocal contenant les viscères de Giorgio est brisé par une énigmatique ombre. L’affaire est donc classée. C’est alors que surgit la douce Rosy, la fille de Giorgio, la seule personne de la famille à avoir gardé de bonnes relations avec lui. Cette mort intrigue la jeune femme.
Poussée par Giorgio lui-même dont l’esprit lui rend visite dans ses rêves elle mène l'enquête en écoutant la voix de son père qui lui parle d'outre-tombe. Rosy doit se dépêcher de trouver le meurtrier puisque lorsque le cadavre de Giorgio sera totalement décomposé elle ne pourra plus communiquer avec lui et jamais personne ne connaitra l'identité de l'assassin de son père.
Avec Voci dal profondo connu chez nous sous le titre Voix profondes Lucio Fulci comme pour précédemment Demonia mêle plusieurs genres. Il renoue avec le giallo avec cette
sombre histoire de meurtre d'un nanti dont chacun des membres de la famille aurait eu de bonnes raisons de tuer au vu de l'enjeu financier. La bourgeoisie est toujours aussi vénale et perverse, rien ne semble avoir changé au fil des décennies. Du thriller à l'italienne on s'oriente doucement vers le paranormal à la Edgar Allan Poe (la relation qu'entretient Rosy avec son père décédé), le fantastique et l'horreur (l'ultimatum que représente la lente putréfaction du corps de Giorgio et les meurtres souvent gore qui parsèment le film) sans oublier cette pointe d'onirisme qui fit la réputation de Fulci et quelques clins d'oeil comme la présence de zombis. Malheureusement le problème majeur est le même que pour
Demonia. Le film se perd sans jamais donner l'impression qu'il sait quelle direction réellement prendre. Ce nouveau patchwork ne fonctionne pas et l'ennui gagne doucement le spectateur tant il est difficile d'accrocher à l'intrigue, molle et assez mal menée. Rosy est charmante mais elle n'a aucun talent d'enquêtrice si toutefois on peut appeler cela une enquête. Elle suit (et nous aussi) la voix sépulcrale de son défunt père et... rien de plus! Ces Voix profondes s'enlisent assez vite, s'encroutent, rien ne se passe et ce n'est pas le final qui provoquera une quelconque réaction tant il est évident et forcé. En fait le coupable aurait pu être n'importe quel membre de la famille cela n'aurait rien changé à l'histoire. Peut-être
les scénaristes (Fulci lui même aidé de Piero Regnoli) l'ont ils simplement joué à la roulette et c'est tombé sur celui ci. Voix profondes ressemble à un quelconque téléfilm d'horreur non seulement bavard mais qui peinerait à instaurer un climat de peur, un des éléments clé de ce type d'intrigue. L'ensemble s'effondre vite mais pourtant Voix profondes se laisse regarder avec un certain plaisir (coupable ou non).
En fait le film doit quasiment tout à ses fameuses séquences de rêves où le temps de nombreuses scènes on retrouve toute la maestria du metteur en scène, celle qui avait fait la réputation et donnait toute sa force à L'enfer des zombis, L'au delà et Frayeurs, cet
onirisme macabre, fascinant, hypnotique, tout empreint de mélancolie qui fut sa griffe. On se délectera ainsi de quelques moments absolument superbes tels ce diner composé d'une soupe de globes oculaires humains, l'assassinat d'un garçon sous les yeux de sa mère, les plongées vertigineuses dans le cercueil de Giorgio qui se décompose lentement, l'attaque des morts-vivants dans la crypte dont le pauvre Mario ne semble pouvoir sortir (un clin d'oeil au final de L'au delà), autant d'instants marquants qui rappellent au meilleur de Fulci. A l'instar de Demonia la photographie est superbe, autre atout de cet ultime sursaut du Maestro qui ose même quelques audaces scénaristiques comme l'enfant poignardé dans
son lit par son beau-père (à moins qu'il ne s'agisse de son père). Malheureusement cela ne suffit pas pour faire de Voix profondes un bon film à proprement parler. On aurait aimé quelque chose de plus obscur en adéquation avec ce scénario mais également plus de noirceur émanant de cette famille venimeuse, plus de suspens mais surtout quelque chose de plus défini, de mieux maitrisé ainsi qu'une musique plus percutante, plus atmosphérique que cette partition synthétique insipide signée d'un Stelvio Cipriani peu enthousiaste.
L'interprétation n'est pas extraordinaire si on excepte Duilio Del Prete (qui nous offre même un nu dorsal) dans le rôle de Giorgio. L'anglaise Karina Huff, la jeune découverte de Sapore
di mare de Carlo Vanzina, est belle mais un peu trop transparente, pas très convaincante dans ce rôle d'enquêtrice aux portes du paranormal. Une fois encore on regrette Catriona Mc Coll. Ce sera le dernier rôle au cinéma pour Karina qui arrête définitivement sa carrière en 1998 après un petit tour par la case télévision. Elle meurt d'un cancer en 2016. Quelques vieilles gloires du Bis traversent le film comme Tom Felleghy et Erminio Bianchi Fasani. Quant à Lucio Fulci il s'offre comme cela était devenu une habitude dans ses derniers films un petit rôle non crédité, celui du pathologiste.
Souffrant des mêmes défauts que Demonia Voix profondes aurait pu être bien pire, il aurait surtout pu être bien meilleur. Mais il faut être juste, cela reste un film d'horreur hybride plutôt honnête, un simple divertissement sauvé par ses scènes oniriques, sa photographie et ses effets sanglants. Les fans du Maitre de la première heure regretteront profondément sa grande époque mais ils retrouveront ça et là sa touche qui leur est si chère. Voix profondes fut son chant du cygne. Au vu des médiocrissimes pellicules qu'il signa auparavant il aurait pu être tellement plus décevant. Il put ainsi donner son clap de fin en gardant la tête haute.