La preda
Autres titres: L'ile des passions / The prey
Real: Domenico Paolella
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 94mn
Acteurs: Zeudi Araya Cristaldi, Franco Gasparri, Renzo Montagnani, Dario Pino, Micheline Presle, Carla Mancini, Luigi Antonio Guerra...
Résumé: Daniel, un ex-artiste ruiné, s'est retiré avec son épouse en Colombie depuis bien des années. Il ne supporte plus cette femme hystérique et alcoolique tant et si bien qu'il a mis au point un plan pour partir de Colombie. Il s'est épris de Lagaia, une jeune indigène qui travaille pour eux depuis qu'il l'a recueilli après qu'elle ait été violée. Ils partiront ensemble pour l'Europe après que Daniel ait récupéré un passe-port. A cours d'argent, il braque un joailler et le tue. En prison il fait la connaissance de Francis, un jeune contrebandier qui l'aide à s'évader. Il lui demande de retrouver Lagaia mais Francis tombe amoureux de la jeune fille. Lagaia ne souhaite plus continuer sa relation avec Daniel. L'artiste, désespéré et amer, n'a plus qu'une envie, les tuer...
Après avoir clôturé la trilogie des films exotico-érotiques de Luigi Scattini, La fille à la peau de lune, La ragazza fuoristrada et Il corpo, Zeudi Araya, noire impératrice de ce prolifique sous filon du cinéma de genre italien, en tourna un ultime sous la houlette cette fois de Domenico Paolella, intéressant cinéaste à la carrière aussi riche que diversifiée. C'est au coeur de la Colombie que nous propulse le metteur en scène, une Colombie loin des clichés touristiques, celle du début des années 70, celle des favellas, des plantations où travaillent d'arrache-pied les esclaves, des marchés locaux et des ports où se croisent toute une foule bigarrée, une vision du tiers monde où certains riches européens venaient se réfugier en quête d'une vie nouvelle, de cet exotisme à travers lequel ils tentaient d'échapper à une société dite moderne.
Lagaia, la jeune indigène qu'incarne Zeudi Araya, alors au sommet de sa beauté, représente ce coté primitif, sauvage tant recherché par ces européens, ce fantasme tropical dont ils rêvent mais elle est aussi le miroir de cette pauvreté, cette proie si convoitée par les blancs pour qui elle n'est qu'une esclave, une prostituée, un animal dont on profite charnellement comme le montre l'ouverture du film. Poursuivie le long de la plage par trois hommes à bord d'une jeep, elle est violée avant d'être recueillie par Daniel, un ex-artiste marié à une femme alcoolique, image même de cette bourgeoisie décadente venue se réfugier dans ces paradis terrestres, pour qui elle va alors travailler comme femme à tout faire.
C'est dans ce décor de rêve que le drame va lentement se jouer, que le destin de trois personnages va se croiser jusqu'au dénouement, inéluctable. Fatigué de cette épouse hystérique qui a depuis longtemps sombré dans l'alcool pour oublier non seulement que leur amour n'existe plus depuis bien des années mais qu'ils sont également ruinés, Daniel a mis au point un plan pour se procurer un passe-port et s'enfuir avec Lagaia dont il est tombé amoureux. Braqueur puis meurtrier, il est arrêté et emprisonné tandis que Lagaia est contrainte d'aller travailler dans les plantations pour survivre. C'est là que Daniel fait la connaissance de Francis, un jeune contrebandier qui l'aide à s'évader. Il lui demande alors de retrouver la jeune fille afin qu'ils puissent enfin partir. Malheureusement Francis s'éprend de la jeune fille à qui il avoue que Daniel est désormais un meurtrier en cavale. Lagaia va devoir faire un choix alors que l'épouse de l'ex-artiste découvre ses exactions et ses mensonges. C'est face à la mort que les choix devront se faire.
Outre ses splendides décors tropicaux, La preda, revisitation tropicale du Facteur sonne toujours deux fois, bénéficie d'un scénario certes classique mais fort bien agencé qui tire vers le mélodrame. Tout le bénéfice en revient à une très belle interprétation d'une part de Renzo Montagnani qui n'était pas encore un des rois de la comédies italiennes, plus habitué alors aux scènes de théâtre. Renzo s'avère être étonnant dans un rôle dramatique, celui de cet époux désespéré fou amoureux de cette jeune indigène, tout à fait crédible, qui se transforme lentement en un être prêt à tout, vil et méchant, poussé par sa détresse et le sort qui l'accable. Ce sera pour lui son unique rôle tragique au cinéma. A ses cotés, le jeune Franco Gasparri est étonnant pour son premier véritable rôle au cinéma après quelques
apparitions enfant dans des peplums juste avant qu'il n'incarne l'inspecteur Mark Terzi dans une série de polizeschi signés Stelvio Massi. Prématurément disparu, il forme avec Zeudi Araya, magnifique et solaire, un couple superbe déchiré par le destin. On soulignera également la prestation de la grande Micheline Presle, émouvante et tragique, en épouse rongée par l'alcool mais encore fort lucide. La preda réserve également au spectateur bon nombre de séquences fortes en émotion mais également une vision parfois assez dure de ce pays qui pratiquait encore l'esclavagisme, la révolte des esclaves après qu'une jeune indigène ait été sauvagement violée par le propriétaire obèse d'une plantation.
La preda, un des films les plus connus du réalisateur, ne cède jamais à la facilité encore moins aux rouages mêmes du cinéma d'exploitation. En ce sens, l'érotisme est ici très discret et toujours justifié, prouvant une fois de plus que Paollela s'est le plus souvent refusé à se laisser aller à toute forme de cinéma commercial. Voilà un spectacle séduisant, parfois prenant, à la fois simple et efficace, tourné dans de paradisiaques paysages sous 50° à l'ombre se plaisait à rappeler le réalisateur.