Il corpo
Autres titres: The body
Real: Luigi Scattini
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 90 mn
Acteurs: Zeudi Araya, Enrico Maria Salerno, Leonard Mann, Carroll Baker, Luigi Antonio Guerra...
Résumé: Antoine, un homme mâture, s'est retiré sur Trinidad. Il vit en concubinage avec une belle et jeune indigène nommée Princess. Son épouse, Madeleine, abandonnée et alcoolique, accepte la situation. Un jour, un globe-trotter, Alain, débarque sur l'île. Il est recueilli par Antoine pour lequel il va travailler. Alain ne tarde pas à tomber amoureux de Princess. Une relation triangulaire s'instaure entre eux jusqu'au jour où Princess demande à Alain de tuer Antoine, cet homme qu'elle hait plus que tout. Le tentative échoue et la relation entre les trois personnages devient de plus en plus tendue. C'est alors que Madeleine va montrer son vrai visage, refermant sur eux un piège inéluctable...
Troisième film de la trilogie exotico-érotique de Luigi Scattini après La ragazza fuoristrada et La ragazza dalla pelle di luna, Il corpo se veut un discours sur la crise du couple et le rejet des valeurs morales, sujet plus que jamais à la mode dans le cinéma italien d'alors, transposé ici dans un lieu idyllique et océanique presque irréel. Scattini tente de démontrer que l'Homme doit fuir notre monde moderne pour un lieu aussi perdu que paradisiaque afin de retrouver dans le coté primitif de la vie un certain retour aux sources et aux vraies valeurs.
Ecrit par deux spécialistes de la dramatique et du suspens, Massimo Felisatti et Fabio Pittorru, Il corpo pourrait se rapprocher des films d'Antonioni mais contrairement à ce dernier, Scattini manque l'objectif qu'il semble s'être fixé même si le film demeure aux yeux du réalisateur le plus réussi artistiquement parlant.
Ambitieux il l'est mais c'est avant tout un film quelque peu raté car trop inconsistant. Drame existentiel, Il corpo, dont le titre à lui seul résume l'essence même du film, est construit comme un de ces mélodrames typiques de cette période dans lequel le réalisateur essaie d'imiter l'illustre metteur en scène mais en noyant son film dans des dialogues trop nébuleux et triviaux tout en y mêlant de longues scènes érotiques qui cette fois tendent vers le pur cinéma d'exploitation bon marché. En découle un film par moments ennuyeux et surtout trop superficiel pour qu'on s'attache réellement aux personnages eux aussi trop peu développés.
Dés l'ouverture, Il corpo manque lourdement de crédibilité. On quitte une Trinidad brumeuse et hivernale pour une île tropicale où vit Antoine, un homme mâture, quelque peu négligé, en concubinage avec une splendide jeune indigène, Princess. Son épouse alcoolique et abandonnée accepte la situation. Un jeune globe trotter, Alain, débarque sur l'île, recueilli par l'homme. Une relation triangulaire va naître entre lui, son amante et l'aventurier jusqu'au jour où la jeune femme demande à Alain d'assassiner cet homme violent et cruel qu'elle hait plus que tout.
De cette dramatique histoire ne subsiste qu'une relation trop peu approfondie d'où toute ambiguïté semble faire cruellement défaut. Scattini jette en pâture ses protagonistes-silhouettes au spectateur qui ne retiendra du film que ses beaux paysages exotiques et les scènes de sexe plutôt brutales entre la belle indigène et cet homme vieillissant contrebalancée par la douceur et la sensualité de celles entre elle et l'aventurier.
Le coté théâtral un peu trop prononcé mais toujours brillant du jeu d'Enrico Maria Salerno dénote avec le ton général du film, trop léger, malgré ses lourdes références et son inéluctable et cruel final, aussi tragique qu'ironique, propre à ce filon que fut le film exotico-érotique, auquel Il corpo appartient définitivement. C'est en effet dans les vingt dernières minutes que la tension atteint son paroxysme et que le film devient tout spécialement captivant dans sa montée dramatique. Chaque personnage montre enfin son vrai visage tandis que le piège se referme bien malgré eux sur les deux jeunes amants.
Si le film manque son but, cela ne signifie donc pas pour autant qu'il est totalement dénué d'intérêt. Tout superficiel qu'il soit, le film de Scattini a le charme de ces oeuvres très particulières qu'étaient l'exotico-érotisme. On retiendra également une atmosphère souvent mortifère, pluvieuse, empreinte de désespoir que rythment les essaims de moustiques et l'obscénité des scènes érotiques. Scattini semble délaisser la beauté des tropiques et des Seychelles de ses précédents films pour dépeindre cette fois une Trinidad le plus souvent triste, livide, chargée de nuages et de grisaille, accentuant ainsi l'oppression qui ronge les protagonistes.
Aux cotés d'un Enrico Maria Salerno fort excité, imbibé d'alcool et fort investi par son personnage, on retrouvera le bellâtre américain Leonard Mann, plus limpide mais trop transparent et surtout, un des gros atouts du film, la beauté de Zeudi Araya, black diva du cinéma de genre italien et épouse du réalisateur. Très bien mise en valeur, elle illumine la pellicule de sa beauté d'ébène, incarnation de la femme mature et énigmatique. Dans le rôle de l'épouse abandonnée, Carroll Baker, alcoolisée et délaissée mais qui lors du retournement de situation se révélera machiavélique et déterminée, odieuse, à mille lieues de la lolita qu'elle incarna si bien quelques années auparavant.
On retiendra également au crédit du film la très belle partition musicale signée Piero Umiliani qui sous ses accents jazzy suinte la mélancolie, la tristesse, l'oppression et la tragédie à l'image du film lui même.