Il malato immaginario
Autres titres: Le malade imaginaire
Real: Tonino Cervi
Année: 1979
Origine: Italie
Genre: Comédie
Durée: 102mn
Acteurs: Alberto Sordi, Laura Antonelli, Stefano Satta Flores, Christian De Sica, Marina Vlady, Giuliana De Sio, Bernard Blier, Vittorio Caprioli, Eros Pagni, Ettore Manni, Laura Lattuada, David Pontremoli, Victoria Zinny, Franco Merli, Pietro Torrisi...
Résumé: 1679 - Rome. Le richissime seigneur Don Argante reste cloitrer dans sa chambre afin d'éviter la violence dans laquelle la capitale est plongée. Il se dit malade, une excuse pour qu'on veille sur lui. Sa seconde épouse, maitresse de son notaire, cherche à s'accaparer sa fortune s'il venait à mourir, sa fille quant à elle souhaite se marier à un révolutionnaire alors que son père la promise au fils de son médecin. La servante Tonina secrètement amoureuse de Don Argante va clarifier les choses et mettre fin à sa façon à toutes ces complots...
Avant d'adapter L'avare de Molière au début des années 90, le vétéran Tonino Cervi avait déjà transposé pour le grand écran une autre pièce du célèbre auteur puisqu'il nous avait offert en 1979 sa vision du Malade imaginaire. Lorsqu'on sait que porter à l'écran de telles oeuvres est un exercice souvent périlleux, on pouvait craindre le pire pour cette version italienne de ce Molière qu'on a tous un jour étudié sur les bancs du collège. Force est de constater que Cervi ne s'en sort pas si mal.
Le cinéaste transpose donc l'histoire originelle dans la Rome du 17ème siècle qui baigne
dans la violence et la pauvreté et l'adapte à sa manière. On y retrouve Argan devenu pour les besoins le riche seigneur Don Argante qui pour fuir les soucis et tourments de cette époque bien sombre reste cloitrer dans sa chambre en s'inventant mille maladies. Il attire ainsi toutes les attentions des gens de maison et de son médecin Purgone. Sa seconde épouse, la fourbe Lucrezia, le trompe avec son notaire avec qui elle ourdit une sombre machination afin que son mari lui laisse à sa mort tout son héritage. Quant à Angelica, la fille qu'Argante eut de son premier mariage, elle refuse d'épouser le fils du médecin comme lui ordonne son père. Elle est amoureuse de Claudio un révolutionnaire qu'elle cache dans le grenier après
qu'il ait été blessé. Tout ce beau monde complote y compris le régisseur d'Argante qui compte bien vendre les terres de son maitre ce qui appauvrirait encore plus les paysans. Mais c'est sans compter la servante Toinette renommée Tonina qui va déjouer toutes les manigances mais également aider chacun à clarifier les sentiments qu'il porte à Don Argante à qui la jeune fille est bien plus que dévouée. Elle en est secrètement amoureuse. Malheureusement Don Argante meurt. Si tous pleurent sa mort, son épouse pleure quant à elle son héritage perdu. Mais qui est pris croyait prendre, tout n'était en fait qu'un leurre organisé par la maligne Tonina.
Les puristes feront peut être la grimace face à cette libre adaptation qui transforme les écrits
de Molière en une comédie paillarde typiquement italienne qui aurait pu très vite dégénérer en une mauvaise grivoiserie. Cervi a su éviter les écueils d'un tel exercice en s'appropriant la pièce tout en gardant non seulement son esprit mais également son contexte historique tant social que politique. Le malade imaginaire est une gentille bouffonnerie, une farce médiévale romaine plutôt réaliste, souvent cynique et incisive, joliment agrémentée de moments plus poétiques (la jolie séquence entre Don Argante et le merle), dont une des grandes forces est l'interprétation sans faille d'une étonnante brochette d'acteurs, Alberto Sordi en tête dans le rôle de Don Argante. Sordi tout en retenue nous offre une performance
d'une incroyable justesse, instinctive, magnifique. Il incarne un malade imaginaire épicurien plus vrai que nature presque attendrissant qui évite avec une telle adresse toute forme de vulgarité que les scènes les plus égrillardes en deviennent d'une surprenante légèreté. La plus belle preuve en est la longue du lavement, grandiose, qui aurait très vite pu sombrer dans la paillardise la plus absolue, constat récurrent dans la comédie populaire à l'italienne. Sous la férule de Cervi et le tact de Sordi elle se transforme en un inoubliable moment qui mêle allégresse et suspens. Domestiques, famille et docteurs sont réunis dans la chambre de Don Argante afin d'assister au lavement que lui prodigue son médecin. Alors que tous
attendent avec angoisse de voir si cet humiliant remède, leur maitre se lève de sa couche et se dirige vers les toilettes dans un silence pesant. Les minutes s'égrènent interminables lorsque soudain un grondement sourd se fait entendre vite suivi d'un véritable orage. Inutile d'expliquer ce qui s'est produit ou comment faire passer avec intelligence et mérite un bel instant intestinal.
Aux cotés de Alberto Sordi qui se dispense de toute grimace ce qui rend encore plus attachant son personnage on retrouve avec plaisir Laura Antonelli dans le rôle de Tonina la malicieuse servante, Marina Vlady est l'épouse très intéressée de Don Argante, Bernard Blier est Purgone le médecin et Christian De Sica Claudio, le jeune fiancé de Tonina.
On mentionnera également un truculent Vittorio Caprioli et la présence plus que furtive du pasolinien Franco Merli que l'oeil très averti de l'amateur remarquera subrepticement perdu au milieu des jeunes paysans. Ce sera l'ultime apparition de Franco qui après le décès de son pygmalion, à jamais marqué par son rôle dans Salo ne trouva jamais sa place dans l'univers impitoyable du 7ème art.
On pourra reprocher au Malade imaginaire son aspect bavard qui risquera d'en rebuter certains mais pour le peu qu'il soit d'humeur l'amateur savourera les dialogues, récités en langage d'époque, qui alternent comique, farce, tendresse et discours beaucoup plus
sérieux qui donnent à l'ensemble ce ton historique franchement appréciable. Au final cette version très personnelle de la pièce de Molière injustement oublié des éditeurs DVD jusqu'à ce jour est un pur divertissement, touchant, humain, joliment mis en scène par un cinéaste inspiré. Peut être est ce là un moyen de faire aimer Molière à ceux qui à l'école en gardent un mauvais souvenir. Le film de Cervi est dans tous les cas une rareté cinématographique méconnue à découvrir ne serait que pour constater que la comédie italienne peut aussi savoir éviter toute forme de grossièreté quelque soit la salacité du propos.