Codice d'amore orientale
Autres titres:
Real: Piero Vivarelli
Année: 1974
Origine: Italie / France
Genre: Erotique
Durée: 86mn
Acteurs: Minerva Daly, Jose De Vega, Sayan Chantarviboon, Phung Sudannapat, Denise Boyer, Hidemi Horiba, Francis Tillyn...
Résumé: Deux adolescents apprennent que leur père respectif ont prévu de les marier de force à des conjoints qu'ils n'ont pas choisi. Amoureux l'un de l'autre, ils décident de quitter le village et s'enfuient dans la forêt. Sur leur route, ils croisent un gourou qui les mène à son ashram Ils intègrent la communauté. Le gourou va leur enseigner les codes de l'amour tantrique et leur faire découvrir la philosophie du kamasutra à travers quelques histoires salaces et légendes religieuses indiennes...
Après nous avoir entrainé aux Caraïbes avec Il dio serpente puis l'Afrique noire avec Il decamerone nero, c'est en Inde que le tandem Piero Vivarelli-Alfredo Bini nous entraine cette fois du coté de l'Inde avec ce Code d'amour oriental, un de ces films du filon exotico-érotique aussi étrange que particulier dont il est assez difficile de parler.
Situons tout d'abord le film. S'il aurait dû se tourner au Sri-Lanka, c'est au Laos que débuta finalement le tournage avant que l'équipe ne doive quitter le pays après que le coproducteur, le fils du président laotien lui même, se rende compte que les coûts de production étaient beaucoup trop élevés. Le film fut donc terminé en Thaïlande. Peu importe d'ailleurs les lieux où il fut tourné puisque l'histoire de Codice d'amore orientale, comme son titre l'indique très bien, s'inspire uniquement du kamasutra et de toute la philosophie hindoue qui en découle. Quelques soient les pays d'Asie où l'on est les codes du fameux livre ne changent guère tout comme cela ne changera rien quant à la qualité du film qu'on aimera ou qu'on détestera selon qu'on ait compris ces codes particulièrement mystiques ou qu'on soit resté bouche-bée face à un tel déferlement d'ésotérisme.
En fait Codice d'amore orientale se présente comme un long trip mystique, une longue (interminable?) leçon d'amour et de sagesse narrée par un gourou, un homme saint entourés de ses fidèles. Le film prend pour base narrative l'escapade de deux jeunes amants, tous deux vierges, que leur père respectif veulent marier de force à des partenaires qu'ils n'ont pas choisi. En s'enfonçant dans la forêt, ils rencontrent ce sage et intègrent son ashram. S'ensuit une série de récits, d'historiettes basées sur la paix , l'harmonie, l'amour universel, la fusion de deux êtres qui s'aiment en un seul être unique, la beauté de l'amour pur et l'atteinte du nirvana. Voilà qui aurait pu être tout spécialement dépaysant et attrayant voire excitant, Codice d'amore orientale avait tout pour être un film envoûtant tout empreint de mysticisme, un beau voyage ésotérique au coeur même d'une Asie de rêve fortement estampillée années 70, au final ce nouveau film de Piero Vivarelli est un long voyage au bout de l'ennui dont seules les quelques particularités qui le parsèment et la stupéfiante partition
musicale éviteront au spectateur de sombrer dans une lente léthargie.
La première de ces particularités sont ces séquences animées souvent pornographiques mettant en scène des petits personnages hindous qui illustrent certaines des histoires salaces du sage et quelques légendes historico-religieuses traditionnelles dont la naissance du dieu Ganesha. Drôles, audacieux, ces petits dessins animés sont en fait les seuls moments véritablement osés du film puisque pour une oeuvre censée prendre pour sujet le kamasutra et sa philosophie Codice d'amore orientale est d'une timidité aussi surprenante que frustrante. On devra en effet se contenter de quelques poitrines dénudées, quelques nymphettes courant au ralenti dans la forêt, quelques plans de nu féminin plutôt furtifs et diverses positions du kamasutra exécutées par le prince et sa servante. C'est pour dire combien ces petits moments animés pornographiques sont donc les bienvenus.
La deuxième particularité du film est son magnifique final aux limbes du fantastique pur. Nos deux jeunes amants s'enfoncent dans l'immensité de l'éternité tandis que dans l'éther orangé dansent et se dévêtissent quelques fidèles sous l'oeil de Ganesha, le fils de Shiva et Parvati, le Dieu à tête d'éléphant, qui apparait dans le ciel. Cette sublime séquence, la meilleure du film, la plus fascinante, véritable fantasmagorie aux couleurs feu, est accompagnée d'une magnifique musique, un choeur aérien, . La superbe bande originale se trouve être le troisième atout de Codice d'amore orientale, une splendide partition composée essentiellement de rock psychédélique et de mélodies très "peace and love" qu'on doit à Alberto Baldan Bembo. Elle est à elle seule un véritable trip au coeur de l'orient, un saut dans le temps pour tous les amoureux de sonorités hippie. Signalons que le titre God is love est chanté par l'actrice Beryl Cunningham, alors épouse du réalisateur, responsable également des costumes. Beryl avait déjà poussé la chansonnette avec bonheur pour Il décamerone nero.
On appréciera également le générique d'ouverture, original, fait en pâte à modeler et ces dialogues mystiques récités avec solennité par le gourou sur l'amour tantrique, l'amour libre qui se marie ici au mythe de l'Etre unique divisé en deux en constante recherche de sa moitié, pour le peu qu'on ne soit pas trop hermétique au tantrisme et autres théories kharmiques.
Malheureusement ces particularités et atouts divers sont noyés dans une mise en scène d'une extrême platitude qui vient casser la magie du récit, elle même gâchée par le ridicule de certaines histoires qui frisent le plus souvent la farce. On regrettera également que Vivarelli n'ait pas su cette fois mettre en valeur la beauté des paysages naturels qu'il avait à sa disposition, bien mal mis en avant par une photographie quelconque tant et si bien que si la magie du récit ne fonctionne jamais, toute la magie de l'orient est quant à elle désespérément absente.
Uniquement interprété par des acteurs indiens, plutôt justes, Codice d'amore orientale fait partie de ces petites curiosités exotico-érotiques qu'il est toujours agréable de découvrir quelques soient leurs défauts. Le film de Vivarelli même privé de cette magie orientale enchanteresse, aussi tiède soit il sur le plan érotique, est avant tout un vertigineux plongeon dans l'ésotérisme et la philosophie indienne, un produit à l'image même de ces années bonheur où liberté sexuelle, amour libre, quêtes mystiques et recherche du bonheur absolu étaient dans l'air du temps, ces années peace and love où dans un nuage de fumée pourpre aux senteurs d'herbes interdites on s'aimait tout en tentant de toucher Dieu du bout du doigt au son de Ravi Shankar. Codice d'amore orientale se laisse voir pour le plaisir des yeux et comme un témoignage d'une époque bénie aujourd'hui bien révolue. Vivarelli quittera l'Inde et se replongera au coeur des Caraïbes l'année suivante avec le rarissime Nella misera in cui.