A visages démasqués: Les Maîtres de Salo
Ils incarnent la peur et la perversion de l'âme humaine. Ils sont l'image même de ce que l'Homme a engendré de pire, la face la plus sombre de l'humanité. Ils sont la négation de toute vie, à la fois juges et bourreaux. Eux, ce sont les Maîtres de Salo, sept entités aussi fascinantes qu'effroyables, quatre hauts dignitaires, trois narratrices et une pianiste virtuose (en remplacement de la quatrième narratrice du roman) qui transposés dans l'univers pasolinien sont de toute évidence des SS en civil, des bourgeois dépravés issus de la finance, de l'Eglise, de la justice, et de redoutables maquerelles aussi vicieuses que perverses recrutées pour exciter de leurs récits obscènes les instincts les plus vils de ces messieurs. Elles sont également là pour apprendre aux victimes à obéir donc survivre en tentant de leur inculquer ce qu'elles mêmes à leur âge ont du subir. Si on suit le cours du roman de Sade les narratrices sont certes des êtres infâmes et obscènes mais elles sont aussi dans la vie des institutrices habituées donc à enseigner la discipline et les règles, des femmes qui, enfants, ont connu ce que les jeunes victimes de Salo vont connaitre à leur tour: la dégradation, l'humiliation, la perversion. Elles ont survécu, elles ont su s'adapter comme elles vont ici s'adapter aux règles des quatre seigneurs.
Afin de personnifier à l'écran ce que la nature humaine a de plus abominable et rendre crédibles ces personnages monstrueux il fallait à Pasolini de grands acteurs et dramaturges dont l'érudition n'avait d'égal que le talent, des comédiens de grande classe pouvant interpréter avec force et conviction ces rôles. C'est ainsi qu'il choisit des noms aussi prestigieux que Paolo Bonacelli, l'élégante Caterina Boratto, l'académicienne Hélène Surgère et la raffinée Elsa De Giorgi, une amie proche, mais aussi des novices recrutés dans son entourage personnel, Uberto Paolo Quintavalle et Giorgio Cataldi. Tant le talent de ces comédiens d'exception que le naturel des jeunes acteurs font la force et l'intensité inégalée du film. Après Les enfants de Salo il était donc intéressant de découvrir qui se cachait sous ces terribles masques, derrière ces noms, ceux qui furent et resteront à jamais LES MAÎTRES DE SALO.
LES HAUTS DIGNITAIRES:
PAOLO BONACELLI:
- Le Duc De Blangi: Paolo Bonacelli est né à Rome en 1939. Il se passionne très jeune pour le théâtre. En 1961 il sort diplômé de l'Ecole d'Arts Dramatiques de Rome. Il fait ses grands débuts sur scène aux cotés de Vittorio Gassman où il donne vie aux plus grands écrivains italiens. C'est en 1964 qu'il débute au grand écran aux cotés d'ailleurs de Gassman, commençant ainsi une longue carrière qui ne s'arrêtera plus interprétant la plupart du temps des personnages de seconds plans. On le voit entre autres dans diverses oeuvres fort variées dont Au delà de la peur de Andrei, le film polonais Magdalène, Super 7 appelle le Sphinx de Umberto Lenzi, La grande bourgeoise de Mauro Bolognini, 100 000 millions ont disparu de Ettore Scola, Une prostituée au service du public de Italo Zingarelli...
En 1975 il décroche donc le rôle du Duc dans Salo et les 120 jours de Sodome, rôle pour lequel il sera mondialement reconnu et pour lequel il recevra le prix Mario Gremo.
Pour interpréter ce personnage il fallait tout le talent d'un homme de théâtre, un homme de lettres. Paolo accepte de jouer Sade avec cette force glaciale qui caractérise un des plus cruels bourreaux de l'oeuvre du Marquis, un bourreau aux tendances urophiles / scatophiles.
C'est ainsi que Paolo avec un naturel sidérant et une ardeur à vous glacer les sangs, l'oeil aussi pâle que cruel, va instaurer une véritable atmosphère de terreur quasi palpable. Il défèque au milieu de la salle des orgies pour mieux faire profiter la blonde Renata Moar de ses excréments avant d'obliger Faridah Malik à lui uriner sur le visage lors d'un des récits de la troisième narratrice, la Castelli. Le jeu de Paolo reste l'un des plus convaincants du film grâce à son professionnalisme et les années de théâtre qu'il a derrière lui. Grâce à son expérience c'est lui qui aida le plus ses trois partenaires, tous novices dans l'art de la comédie, à jouer au mieux leur rôle, à les conseiller, les guider, leur donner quelques astuces pour réciter leurs dialogues ou tout simplement bouger devant une caméra.
Par la suite Paolo apparaîtra dans moult films: Cadavres exquis, Moeurs cachés de la bourgeoisie, Portrait de province en rouge, Qui est dans le lit de ma femme avec Edwige Fenech, Le Christ s'est arrêté à Eboli, mémorable dans Midnight express dans la peau du fourbe turc Rifki. Il est Cherée dans le Caligula de Tinto Brass, on le voit dans Le guignolo, L'ours en peluche, il est le psychiatre du Syndrome de Stendhal, il apparait dans Scarlett diva ou encore Mission impossible 3.
Paolo tourne aussi beaucoup pour la télévision tant italienne que française, des mini séries aussi, beaucoup de rôles historiques: Manon Lescaut, Madame Bovary, L'orient express, La fuite au paradis, Un train pour Petrograd...
Mais c'est surtout au théâtre qu'il excelle puisqu'il jouera les plus grands classiques sur les scènes italiennes. Poète, dramaturge, il s'adonne également à la grande poésie. En 1991 il est nommé directeur artistique du théâtre de Sardaigne où il y jouera également bon nombre de classiques.
Si pour beaucoup Paolo Bonacelli restera LA figure de Salo il est surtout et avant tout un des plus grands hommes de théâtre d'Italie dont l'érudition n'a d'égal que sa gentillesse naturelle.
Pour l'anecdote Paolo fut le premier acteur que Pasolini contacta pour constituer son casting. A la lecture du scénario c'est surtout le coté contexte politique de l'histoire, l'importance du discours sur le pouvoir et l'anarchie qui lui plu le plus et le poussa à accepter de faire ce film. Seul professionnel de la distribution masculine Paolo mit ses talents de comédien et sa connaissance du métier au service de ses partenaires souvent maladroits dans leurs gestes et leur récitation, toujours prêt à les aider et les conseiller. Tout comme Hélène Surgère (La vaccari) Paolo a toujours confirmé la bonne ambiance qui régnait sur le plateau (et hors plateau: il se souvient des parties endiablées de flipper avec les tous ces jeunes) loin de celle sombre et pesante du film. Antiniska Nemour, une des jeunes actrices, se souvient de la disponibilité de Paolo et de sa gentillesse, toujours prêt à aider, écouter. Il aimait être aux cotés des jeunes comédiens, leur parler. Certains disent de lui qu'il était le bon copain, toujours disponible, à l'écoute, contrairement aux trois autres dignitaires qui se tenaient plus à l'écart, faisaient bande à part, plus distants surtout Uberto Quintavalle, un noble plus réservé, et Aldo Valletti timide et anxieux de nature.
UBERTO PAOLO QUINTAVALLE:
- Son Excellence De Durval: Son excellence était incarné par Uberto Paolo Quintavalle, Quintavalle, un nom fort célèbre en Italie puisqu'il s'agit là d'une des plus grandes familles bourgeoises vénitiennes.
Uberto parfois appelé Umberto est en fait issu de cette longue lignée d'aristocrates qui remonte à 480 av JC. Les Quintavalle font partie des familles les plus nobles d'Italie et la lignée des Comtes Quintavalle possédèrent jusqu'en 1975 la magnifique propriété de Castelbarco Quintavalle à Monasterolo prés de Milan.
Né en 1920, Uberto est un des trois fils du Comte de Monasterolo, Bruno Antonio Quintavalle, qui compte également parmi ses enfants la Marquise Madeda Mina di Sospiro. Uberto avait également le titre de comte.
Uberto s'est très vite intéressé au journalisme et à l'écriture, dés sa plus tendre enfance en fait. Il se passionne pour la littérature italienne. Il travailla longtemps au Corriere della sera et publia moult romans dés les années 50 dont beaucoup furent sujet à discussion. On citera entre autres La fiesta, Segnati a dito, Capitale mancata, tutti compromessi, Code senza lucertola... Uberto écrivit également pour le théâtre plusieurs opéra à succès. Il mit fin à ses activités artistiques dans les années 60 pour les reprendre dans les années 80 jusqu'à sa mort. Uberto fit partie de l'élite intellectuelle italienne d'alors.
C'est a cette époque qu'il fait la connaissance de Pasolini et qu'ils deviennent amis. Il fut le premier que Pasolini contacta lorsqu'il mit Salo en chantier en février 75. Uberto lui fut d'une grande aide. Son érudition, ses connaissances littéraires, sa vision des choses en tant qu'intellectuel et homme de lettres jetèrent les bases du film notamment sur tout l'aspect sexuel et le pouvoir du corps et de la chair. Uberto y imposa sa vision et y apporta tout son raffinement.
C'est tout naturellement qu'il accepta de jouer son Excellence sans avoir aucun passé d'acteur derrière lui mais son raffinement, sa noblesse, son érudition en faisait l'Homme idéal. Seuls lui et Paolo Bonacelli étaient autorisés à visionner les rush que Pasolini tournait durant les journées de tournage. Uberto de par son rang n'était pas homme à s'amuser. Il ne participa que rarement aux moments de détente qui avaient lieu une fois les caméras éteintes. Il avait le sérieux des intellectuels, la rigidité de la bourgeoise se souvient Hélène Surgère (La vaccari). Ce n'est que lors des derniers jours de tournage que Uberto commença enfin à se dérider et se lâcha quelque peu
Uberto épousa une lady anglaise devenue lady Joséphine Quintavalle et s'installa alors en Angleterre. Son épouse y était une activiste politique reconnue qui luttait avec son groupe contre l'avortement. Ils eurent trois fils, Rufo, célèbre poète, Sirio qui travaille dans les effets spéciaux au cinéma et Bruno qui a longtemps combattu aux cotés de sa mère pour la cause qu'elle défendait.
Uberto nous a quitté le 3 novembre 1997 emporté par une crise cardiaque alors qu'il était à New-York.
Uberto publia quelques mois après la fin du tournage de Salo un ouvrage intitulé GIORNATE DI SODOMA où il livre sa vision du film, raconte avec un humour parfois acide moult anecdotes de plateau et narre également les derniers jours qu'il passa avec Pier Paolo Pasolini.
Les Quintavalle sont aujourd'hui encore une des familles aristocrates d'Italie les plus populaires installée à Rome.
GIORGIO CATALDI:
- L'évêque: Autre figure emblématique du film, l'Evêque, frère du Duc, est incarné par Giorgio Cataldi. Totalement inconnu avant ce rôle, Giorgio était originaire d'une des nombreuses banlieues romaines où il avait vu le jour en 1935. Il y vivait et s'y prostituait de temps à autre lorsque Pasolini fit sa connaissance au tout début des années 60. Giorgio était rapidement devenu un ami intime du cinéaste qui lui propose d'interpréter le rôle principal de Accatone. Il dut décliner l'offre pour raisons personnelles. Giorgio devait en effet purger une peine de prison. C'est ainsi que le rôle échut à Franco Citti. En guise de clin d'oeil à son ami Pasolini donna à un des personnages de Accatone le nom de Cataldi. L'opportunité passée Giorgio continua donc ses activités professionnelles. Il possédait un magasin de vêtements pour hommes à Rome.
C'est tout naturellement à lui que Pasolini pensa pour incarner l'évêque. Giorgio accepta la proposition après avoir passé comme Uberto un examen de diction sur Klossowski et Blanchot. Tout comme pour Aldo Valletti (le Président) l'exercice fut très dur et peu convaincant. Tout deux avaient d'énormes difficultés de diction et accrochaient souvent les mots voire des phrases entières. C'est sur un passage de La vispa Teresa qu'il récita de manière furibonde qu'il passa son audition et la réussit. Il fut pour le film doublé par le poète Giorgio Caproni.
Giorgio était un homme au caractère violent facilement inflammable dont les colères étaient redoutables. Ses crises de nerfs lorsqu'il ne parvenait pas à réciter correctement son texte étaient impressionnantes. Il était devenu sur le plateau une sorte d'idole pour tous les jeunes acteurs qui rêvaient de lui ressembler. Mais à l'instar de Aldo Valletti et Uberto Quintavalle il disparaissait une fois les caméras éteintes peu désireux de rester avec les autres comédiens malgré une véritable réputation de dragueur invétéré. Certaines actrices du film dont Hélène Surgère affirmaient que lorsqu'il ne tournait pas il draguait tout ce qui portait jupons, insatiable.
S'il fut présent aux cotés de Hélène Surgère lors de la sortie publique du film à Paris le 22 novembre 1975 Giorgio connut par la suite quelques difficultés à poursuivre sa carrière d'acteur. Sa froideur, son regard glacial, ses yeux vert émeraude, eurent du mal à trouver leur place dans l'univers impitoyable du 7ème art. La mort de son ami Pasolini juste avant la sortie de Salo, son chagrin et le scandale qui entoura le film ne l'aidèrent pas vraiment.
En 1976 il fit une brève apparition dans la sexy comédie de Mino Guerrini La ragazzi alla pari avec Gloria Guida et Patrizia Webley. Giorgio y incarne un politicien adepte des plaisirs charnels séduit par le charme de Gloria. Ce fut son ultime rôle. Il abandonna définitivement le cinéma, choisit de retomber dans l'anonymat le plus complet et s'en est retourné à la vente de vêtements masculins dans son échoppe romaine. Il ne donna plus jamais signe de vie.
ALDO VALLETTI:
- Le Président Durcet, camarade d'école du Duc: S'il est une figure inoubliable c'est bel et bien celle du Président, sodomite convaincu, scatophage et adepte des plaisirs culiens, incarnée par l'incroyable Aldo Valletti. Un visage de fouine au regard vicieux qui en deviendrait presque effrayant, un sourire édenté, Aldo est ce qu'on appelle parfois familièrement parlant une véritable gueule de cinéma.
Né à Rome en 1930 Aldo Valletti n'était pourtant pas à proprement parler un véritable acteur. Aussi étrange que cela puisse paraitre avant de se lancer dans la comédie Aldo était un homme de Dieu puisqu'il était séminariste. Après avoir quitté le séminaire et abandonné l'idée de se faire prêtre il passa quasiment 25 ou 30 ans de sa vie à trainer sa silhouette chétive à Cinecitta à jouer les génériques, apparaissant très souvent en tant que simple caméo dans moult oeuvres italiennes parfois même sans y être crédité. Très longtemps également il joua les figurants à l'opéra de Rome sans jamais prononcer un seul mot tout en continuant à donner des cours de latin. C'est ainsi qu'il apparut dans plus d'une vingtaine de films du moins recensés.
Aldo contrairement à Giorgio Cataldi était un homme au caractère très doux qui aimait plaisanter. Tout comme ses partenaires, il dut passer une audition qui s'avéra catastrophique et lui valut bien des rires de la part des jeunes acteurs. Valletti apprenait ses répliques par coeur et les récitait de manière fastidieuse, joignant toute sorte de geste à la parole jusqu'à paraitre idiot. Pasolini décida d'utiliser cela et de faire du Président une forme d'élément comique du film.
Avant Salo, on a pu voir Aldo dans notamment Il lumacone de Paolo Cavara en 1973, Il poliziotto è marcio de Di Leo et Il profumo della signora in nero de Francesco Barilli dans lequel il joue un des membres de la secte satanique.
Salo sera le seul et unique film où il est un des principaux protagonistes et surtout le seul où il parle même s'il est doublé dans la version italienne par le grand Marco Bellochio.
Après Salo, on pourra l'apercevoir le temps de quelques secondes dans Salon Kitty où il joue un noble observant les fessiers lors de la réception donnée chez Kitty. Il fait une toute aussi brève apparition dans Plus moche que Frankenstein tu meurs de Armando Crispino et dans la comédie équine Febbre di cavallo de Steno (un des citoyens qui assiste au procès de Gigi Proietta). Il est un majordome dans la comédie érotique de Franco Lo Cascio L'educanda et le directeur de la prison dans le polar Io ho paura / Un juge en danger de Damiano Damiani. Il y retrouve d'ailleurs Susanna Radaelli qui fut une des filles du Duc dans Salo. Il est un des malades mentaux de l'hôpital psychiatrique dans Stato interessante de Lina Werthmüller. Il est de nouveau un malade mental tueur de poules dans La clinica dell'amore dans lequel on le voit traverser l'écran un couteau à la main. On l'aperçoit perdu parmi les invités d'une réception dans Arrivano i gatti de Carlo Vanzini en 1980. Ce sera l'ultime film du moins répertorié où il apparaitra... et apparaitre est bel et bien le verbe ici adéquate puisque Aldo Valletti passa donc sa vie à faire de furtives voire fantomatiques apparitions. Il disparut par la suite du monde du spectacle et ne donna apparemment plus signe de vie.
Aldo Valletti décédera à Lazio en 1992 à l'âge de 62 ans.
LES NARRATRICES MAQUERELLES:
ELSA DE GIORGI:
- La Maggi, 3ème narratrice pour le cercle de la merde: A la beauté jadis lumineuse et froide de son impériale consoeur Caterina Boratto qui dans Salo incarnait le mal personnifié, la cruauté humaine, Elsa De Giorgi fut de son coté celle qui dans les années 30 incarna la beauté aristocrate et la splendeur bourgeoise. Elsa est née à Pesaro en 1915. Très tôt intéressée par la scène la jeune Elsa fait ses débuts au cinéma à tout juste dix-huit ans, en 1933, dans Nina Falpala d'Amleto Palermi avant d'exploser la même année dans T'amero sempre de Mario Camerini où elle joue une jeune coiffeuse se mariant à un noble afin de subvenir aux besoins de sa fille. Ce sera là un de ses rôles les plus forts et les plus dramatiques, un rôle qu'elle ne retrouvera plus par la suite.
Son visage d'une incroyable pureté, son profil de jeune ingénue et ses airs de jeune bourgeoise vont dés lors lui permettre de jouer aux cotés des plus grands noms du cinéma italien d'alors tels que Dina Galli, Memo Benassi, Angelo Musco, Marta Abba ou encore Irma Gramatica. Elle reçoit même les félicitations de René Clair qui voit en elle une des plus merveilleuses actrices du moment.
Sa blondeur naturelle convient parfaitement pour incarner des personnages historiques ou jouer dans des films de cape et d'épée dont le plus connu à son actif est Fornaretto di Venezia de Duilio Coletti en 1939. Entre 1933 et 1948, Elsa de cessera pas de tourner. Elle est la princesse de Teresa Confalonieri, la marquise de La mazurka di papa, on la voit dans La grande luce, La maschera di Cesare Borgia, La signora paradisio, le version de Capitaine Fracasse de Duilio Coletti. A partir de 1948 Elsa va mettre sa carrière d'actrice de coté. Elle épouse un célèbre aristocrate florentin, héritier d'une fabuleuse collection d'art, Sandro Contini Bonacossi. Ce mariage ne l'empêchera pas d'avoir une liaison platonique avec un célèbre écrivain là encore, Italo Calvino, qui en 3 ans lui écrira plus de trois cents lettres enflammées tant son admiration pour cette splendeur aristocrate était forte. Elsa refera par la suite quelques apparitions cinématographiques dont en 1963 pour Godard dans Rogopag, un film à segments où on retrouve Tomas Milian et Laura Betti, l'égérie et compagne de Pasolini dont Elsa était une amie. La comédienne a toujours eu beaucoup de respect pour le Maitre qu'elle considérait comme un prophète, un homme d'avant-garde, un visionnaire qui a très bien su décrire notre société d'aujourd'hui.
Après douze ans de silence Elsa revient au cinéma en 1975. Son ami Pasolini lui offre en effet l'opportunité d'incarner la Maggi, la seconde narratrice de Salo, un rôle, un challenge aussi inoubliable que remarquable qu'elle accepte sans hésiter par amitié pour le Maitre.
Gracieuse, altière, presque aérienne lorsqu'elle danse tout en contant avec délectation ses récits coprophiles et autres délices culiens ou intestinaux, Elsa qui au fil des années n'a rien perdu de son élégance bourgeoise incarne les plaisirs scatophiles avec une aisance incroyable aux cotés de la beauté froide de l'austère Caterina Boratto, l'incarnation du Mal, et celle plus innocemment perverse de l'académicienne Hélène Surgère, la première narratrice. Elsa possède la grâce de la perversité. L'oeil tantôt assassin tantôt rieur elle narre avec emphase ses histoires excrémentielles avant de se fermer et d'abattre ses victimes de ses mots tranchants comme des couperets tout en prônant l'acte matricide. C'est là un sinistre écho à la quatrième narratrice, celle du cercle du sang, qui annihile toute forme de reproduction en rêvant de coudre une souris dans un vagin.
Après Salo Elsa va de nouveau disparaitre durant plus de dix-huit ans, confortablement installée à Rome. Elle va continuer à fréquenter les milieux littéraires et intellectuels romains et poursuivre ses activités artistiques. Car si on évoque souvent sa carrière d'actrice il faut pourtant savoir que
Elsa eut bien d'autres cordes à son arc. Elle fut une romancière à
succès et écrivit quelques romans dont les plus connus sont I coetanei
et L'innocenza. Elsa écrivit également des poèmes et des scénarii. Elle fut aussi une
dame de théâtre remarquée sur les planches italiennes et joua dans
plusieurs compagnies. Quelques temps avant sa disparition
Elsa s'était mise à la mise en scène théâtrale et cinématographique.
Elle reviendra un temps au cinéma en 1992 dans le film arabe Poussière de diamant où elle y fait une petite apparition. Cette même année elle tient un rôle de figurante dans Assolvo per avere comesso il fatto de Alberto Sordi qui sera son chant du cygne. Elsa quitte alors définitivement le monde du 7ème art. Elle s'éteindra malheureusement à Rome le 12 décembre 1997 à l'âge de 82 ans.
Peu connue du grand public, Elsa De Giorgi eut pourtant son heure de gloire dans l'Italie des années 30 avant de se fondre dans la haute aristocratie romaine. Pour les cinéphiles elle restera la Maggi, inoubliable aux cotés de ses autres partenaires.
CATERINA BORATTO:
- La Castelli, 4ème narratrice pour le cercle du sang: Si jadis elle fut l'incarnation de la beauté mystère, mêlant à la mélancolie la douceur apaisante de la glace elle personnifia dans Salo à travers ses récits la cruauté, le fascisme dans tout ce qu'il a de plus effroyable. Le fascisme Caterina l'a très bien connu, trop bien connu puisqu'il est responsable de l'arrêt brutal de sa carrière alors en plein essor, brisant ainsi ses rêves de gloire.
Caterina est née à Turin le 15 mars 1915. Si elle suit des études musicales et de chant sous la direction de la célèbre actrice Evelina Paoli, sa vie va soudainement changer d'orientation lorsque le réalisateur Guido Brignone sur les conseils de Evelina la remarque et lui propose le rôle principal de son nouveau film Marcella. Nous sommes en 1937. Les parents de la jeune Caterina alors âgée de 22 ans sont réticents à ce projet. Ils ne souhaitent aucunement que leur fille devienne actrice. Nonobstant le refus parental elle tournera néanmoins le film. Aussitôt remarquée par la Goldwyn Meyer, Caterina enchaîne avec Vivere! toujours pour Brignone aux cotés du ténor Tito Schiapi avec qui elle vivra une romance puis Hanno rapito un uomo aux cotés de Vittorio De Sica en 1938, film où elle interprète une élégante et frivole princesse russe.
Ebloui par son charme l'Amérique acclame Caterina qui en fait une de ses nouvelles stars hollywoodiennes. Altière, gracieuse, majestueuse elle incarne à la perfection la beauté énigmatique, Si elle parait inaccessible Caterina est en fait une femme timide et rêveuse dont la maturité dissimule une grande mélancolie que reflète ses yeux bleu pastel. Caterina dont les talents d'actrice n'ont d'égal que son élégance et sa beauté radieuse va régulièrement interpréter ce type de femme. Elle signe avec enthousiasme un contrat de sept ans avec la MGM qu'elle ne pourra malheureusement pas honorer. La guerre toute proche brise les rêves et les ambitions de Caterina et empêchera son envolée vers les sommets de la gloire.
Quand elle éclate Caterina doit fuir l'Amérique et se voit contrainte de retourner à Turin. Sa vie va alors se transformer en un véritable roman, en une tragédie. Elle tombe éperdument amoureuse du comte Guidi Di Romena, un héros de guerre qui mourra tragiquement en 1942 lors du bombardement de Turin. Effondrée, elle va oublier ses souffrances grâce d'une part à l'amitié indéfectible de Vittorio De Sica, d'autre part en tournant quelques films, pour la plupart des mélodrames dont I figli del Marchese Lucera, Dente per dente, Romanzo di un giovane povero ou Campo di fiori où elle a pour partenaire l'étoile naissante Anna Magnani.
Mais le destin va de nouveau frapper Caterina en 1944 puisque la guerre va détruire sa famille. Elle perd ses deux frères, un tué lors du massacre de Celofonia, l'autre, partisan, froidement exécuté. Dans cette Italie fasciste, les Boratto sont dans la ligne de mire. Caterina va devoir fuir pour sauver sa vie. Elle se cache dans une clinique de Turin où elle se remettra lentement de ces drames.
C'est là qu'elle fera la connaissance de son futur mari Armando Ceratto mais leur mariage va vite s'avérer un enfer en ces temps de guerre. Armando et sa famille font en effet partie de la grande famille des partisans. La clinique dont il est le directeur sert de refuge à leurs compagnons de combat, un noble choix mais qui met Caterina en danger et ruine surtout la famille Ceratto.
A la fin de la guerre, dans une Italie ravagée, Caterina ne retrouvera plus jamais le succès d'antan. Exilée à Rome avec son mari et leur fille Martina elle tente cependant son retour au cinéma grâce à ses amis comédiens, acceptant son sort. C'est Fellini qui lui offre une deuxième chance en lui proposant deux rôles emblématiques en 1963 dans 8 ½ puis en 1965 dans Juliette des esprits. Caterina va par la suite continuer de tourner mais elle ne parviendra plus jamais à regagner ce que la guerre lui a pris, cette gloire qui lui ouvrait ses portes. Elle se contente de seconds rôles toujours très distingués comme dans Diabolik de Mario Bava où elle interprète Lady Clark, Le château du diable de Sidney Pollak ou encore La religieuse de Monza de Eriprando Visconti, remake du film éponyme de Carmine Gallone.
Les années 70 voient ses rôles s'effilocher. On l'aperçoit entre autres dans Storia di un monaca di clausura de Domenico Paollela, une pseudo suite des Religieuses du St Archange, et une version télévisée de Anna Karenine. En 1975, Pasolini s'octroie les services d'une grande actrice des années 30 et 40, la majestueuse Elsa De Giorgi et ceux de l'académicienne Hélène Surgère afin d'incarner les terribles narratrices de Salo. Il offre à Caterina l'opportunité d'incarner la plus abominable des trois, la Castelli, véritable ogresse qui ouvre l'ultime cercle, celui du sang. Si elle est une des narratrices les plus discrètes, les cheveux tirés en un austère chignon, glaciale, elle veille cependant comme un Cerbère sur les vingt-quatre adolescents, le visage recouvert d'une voilette qui lui donne un air encore plus cruel. Caterina incarne la Peur avec un grand P. Elle est la monstruosité, la cruauté incarnée lorsqu'elle narre avec délectation aux jeunes condamnés attachés nus à un baquet de chiasse les tortures raffinées qu'elle inflige, riant de plaisir face aux souffrances endurées. Si jadis, elle représenta la femme mystère, fière, altière, dont l'énigmatique froideur n'avait d'égal que la beauté, la Castelli de Salo est l'incarnation extrême de cette austère froideur.
Par la suite, Caterina se dirigera vers l'opérette, le théâtre et la télévision. On la verra encore au cinéma dans La nuit des Varennes ou Le tueur de la pleine lune de Ruggero Deodato sans oublier son petit rôle de sorcière dans La diablesse / Sensitivà de Enzo Castellari ou Un cas d'innocence avec Brigitte Fossey et John Steiner. Ce sera son ultime participation au cinéma. Caterina va alors prendre sa retraite et se retirer paisiblement à Rome.
Jusqu'à sa mort à l'âge de 95 ans le 14 septembre 2010 à Lazio, Caterina derrière ses rides et son regard bleu n'a jamais perdu son coté énigmatique. Avec dignité et abnégation elle a laissé loin derrière elle ses rêves de gloire et ses ambitions d'actrice. La tête haute Caterina s'est simplement contentée de poursuivre son métier de comédienne qu'elle adorait le plus dignement possible, avec ce professionnalisme qui la caractérisait, même si le cinéma ne lui a plus réellement tendu les bras. Elle s'est contentée de jouer avec talent ce qu'on voulait bien lui proposer.
Si pour nous elle restera l'implacable et cruelle Castelli, n'oublions pas que Caterina fut dans les années 30 la fière représentante de l'Italie dans les lointaines Amériques, l'incarnation glamour de la Femme mystère.
HELENE SURGERE:
- La Vaccari, 1ère narratrice pour le cercle des manies: Seule française du film avec Sonia Saviange, Hélène Surgère est née en 1928 à Caudéran en Gironde. Cette grande dame de théâtre qui voua sa carrière aux grands noms de la littérature et reçut le prix Michèle Morgan en 1957 fit ses débuts au cinéma en 1966 dans Les ruses du diable de Paul Vecchiali. Elle deviendra une des actrices fétiche du réalisateur, sa muse, pour qui elle tournera plusieurs films dont L'étrangleur, La ligne des sceaux, Change pas de main et surtout Femmes femmes dans lequel Pasolini la remarque.
Ebloui par sa prestation il lui propose le rôle de la Vaccari dans Salo, la première narratrice. Il décide même d'intégrer un des passages de Femmes femmes dans le sien, celui où accompagnée de la pianiste, elle se donne en représentation. Jouer dans Salo est un défi pour Hélène qui garde un excellent souvenir du film malgré les tensions et les menaces extérieures qui pesaient sur l'équipe contre balancées par la bonne humeur qui régnait sur le plateau due notamment à la joie de vivre des jeunes comédiens adolescents.
C'est avec une aisance étonnante qu'Hélène joue Sade. Elle incarne cette narratrice lubrique à la fois coquine et diabolique, sorte de poupée blonde aux anglaises trop lourdes s'amusant à conter les récits de sa vie de débauche.
Il est intéressant de savoir que Hélène avait stipulé dans son contrat qu'elle refusait tout acte sexuel simulé buccal ou manuel. C'est la raison pour laquelle Giuliana Melis, sous les rires de ses compagnons, est désignée pour montrer comment on masturbe un sexe masculin lors d'un des récits de la Vacari. Solidarité féminine étant, Elsa de Giorgi ajouta cette même clause à son contrat.
Sortie de l'enfer de Salo et les 120 jours de sodome, Hélène tournera régulièrement pour André Téchiné notamment dans Souvenirs d'en France, Barocco, Les soeurs Brontë. On la voit également dans Les loulous, Un chien dans un jeu de quille, Attention bandits... Elle retrouve Vecchiali pour C'est la vie et En haut des marches. Elle apparait dans Zone rouge avec Richard Anconina et le film des Inconnus, Le pari.
Hélène qui est entrée tardivement en 2010 à 81 ans à l'académie française tourna aussi pas mal pour la télévision mais le théâtre restera sa passion première. Son registre sera très vaste et son talent de comédienne reconnu par ses pairs. Cette femme de coeur, élégante, toujours chic, gracieuse aura été entre autre la première interprète de Marguerite Duras.
Elle nous a quitté le 27 mars 2011, discrètement dans son sommeil, alors qu'elle était à la veille de jouer la dernière des Trois soeurs de Tchechov.
SONIA SAVIANGE:
- La pianiste virtuose: Si elle n'est pas une narratrice, le personnage de l'accompagnatrice musicale est primordial. De son piano elle semble adoucir l'abomination des récits contés par les trois comparses, témoin muet des pires horreurs. Elle ne parle pas mais elle voit. Son visage est comme le miroir de ce qu'on peut imaginer derrière notre écran. Elle finira par ailleurs par se suicider en se jetant d'une fenêtre après avoir vu l'Horreur, une horreur que nous spectateur ne verrons pas mais qu'on pourra deviner par ce geste de désespoir.
La pianiste est incarnée par Sonia Saviange, actrice française née le 25 mars 1923 à Bastia qui comme Hélène Surgère travailla beaucoup pour le théâtre. Sonia, de son véritable nom Christiane Vecchiali, n'est autre que la soeur du réalisateur Paul Vecchiali pour qui Hélène tourna beaucoup. Les deux comédiennes se sont souvent retrouvées à l'écran puisqu'elles ont joué ensemble dans la plupart des films de Vecchiali dont Femmes femmes. Comme pour Hélène, c'est dans ce film que Pasolini remarqua Sonia. Si son rôle est muet durant presque tout le film, seule la scène où elle joue un passage de Femmes femmes avec Hélène lui offre l'opportunité de s'exprimer un bref instant avant qu'elle ne rejoigne non pas son piano cette fois mais un accordéon et que son visage ne se ferme à nouveau. Sonia n'a pas gardé un excellent souvenir de Salo. Très souvent seule, n'ayant pas grand chose à faire si ce n'est de feindre jouer du piano le tournage lui sembla très long. Elle s'ennuyait beaucoup, se sentait isolée et fut sujette à de nombreuses crises de larmes.
Outre les films de Vecchiali on put voir également Sonia dans La machine en 1977 et Allons z'enfants.
Malade, Sonia est décédée le 22 juin 1987 à Paris à l'âge de 64 ans.
LES RABATTEUSES ou ENTREMETTEUSES:
Hormis les quatre dignitaires bourreaux et les quatre maquerelles narratrices, Salo ce sont aussi des visages tous plus effrayants ou patibulaires les uns que les autres, des ombres dans l'ombre des tortionnaires, souvent anonymes du moins dans la version du film qu'on connait mais qu'il est impossible de ne pas remarquer.
Il y a ainsi les rabatteuses appelées aussi entremetteuses. Ces maquerelles au nombre de quatre sont sous les ordres des putains narratrices et sont chargées de recruter les victimes féminines. Ce sont les équivalentes des rabatteurs dont certains font partie de l'Ovra (la police secrète italienne). Dans la version qu'on connait de Salo leur rôle a malheureusement été considérablement réduit. La seule à n'avoir pas vu son personnage quasiment disparaitre du film est celle surnommée la Rossa. Interprétée par Anna Maria Dossena elle est celle qui présente Eva (Olga Andreis) et Renata (Renata Moar) aux dignitaires. Pour être un peu plus précis si on suit les notes du scénario original il n'y aurait en fait que deux rabatteuses. Les deux autres seraient comme les narratrices de simples maitresses d'école complices dont fait partie la Rossa.
ANNA MARIA DOSSENA est née le 17 février 1912 en Toscane. Elle fut dans les années 30 et 40 une des
actrices importantes du cinéma italien. En 1954 elle met un frein à sa
carrière au cinéma après le dramatique Le soleil dans les yeux de Antonio Pietrangeli et la comédie Due soldi di felicita. Elle se consacre alors au théâtre, une autre de ses grandes passions. Sans toutefois abandonner les planches Anna Maria réapparait au cinéma en 1971. Elle ne jouera plus que de petits rôles (on la voit notamment dans Vergine e di nome Maria avec Alvaro Vitali et Cinzia De Carolis, Film d'amour et d'anarchie de Lina Wertmüller) avant de mettre un terme définitif à sa carrière en 1989 avec le sympathique Fiori di zucca, une comédie dramatique dans laquelle elle joue la mère de Enzo De Caro. Elle décède à Rome un an plus tard le 18 juin 1990 à l'âge de 78 ans.
Les trois autres rabatteuses sont interprétées par la gironde Anna Recchimuzzi, l'éphémère générique Carla Terlizzi et Paola Pieracci. Difficile de les repérer dans le film par contre. Le spectateur devra être attentif, perspicace et avoir l'oeil bien aiguisé. De leur rôle ne subsistent en effet que quelques très brefs plans quasi fantomatiques lors de l'arrivée des quatre dignitaires à la villa où se déroule la sélection des jeunes filles.
ANNA RECHIMUZZI parfois créditée Anna Ricchimuzzi débute sa carrière de comédienne en 1962 dans la comédie de Marino Girolami Il medico delle donne. Elle interprète la femme de Toni Scotti, les parents d'un Enzo Castellari encore petit garçon. Il s'agit pour Anna d'un simple rôle de figuration, ce dans quoi elle se spécialisera plus ou moins par la suite. On l'aperçoit ainsi dans Zenabel de Ruggero Deodato, dans la comédie de Massimo Franciosa Togli le gambe del parabrezza et le giallo La morte accarezza a mezzanotte de Maurizio Pradeaux où elle joue une des religieuses du couvent où se rend Susan Scott. On peut repérer Anna de nouveau en joyeuse abbesse dans le premier segment de la décamérotique I racconti romani di un ex-novizia de Pino Tosini. Après Salo Anna apparait non créditée au générique de Bordella de Pupi Avati ce qui semble être son ultime rôle au grand écran. Par la suite la très en chair Anna consacrera le restant de sa carrière à la télévision à jouer dans des téléfilms et autres séries télévisées. Elle se retire en l'an 2000 après quarante ans de bons et loyaux
services.
Dans Salo Anna, surnommée la Cicciona, est comme la Rossa non pas une maquerelle mais une maitresse d'école. Aux cotés de Carla Terlizzi elle présente Doris (Dorit Henke) aux dignitaires, une scène disparue du film. De sa prestation dans le film ne reste qu'un bref plan, celui où on la voit très rapidement se lever au passage des quatre seigneurs lorsqu'ils rentrent dans la villa. Anna, sur la droite, de profil, est assise non loin de la porte d'entrée près d'un piano.
PAOLA PIERACCI commence sa carrière à l'écran en 1950 dans le drame en noir et blanc de Oreste Palella Il richiamo nella tempesta dans lequel elle tient un petit rôle. C'est avant tout à la télévision que Paola fera ses armes par la suite en apparaissant au générique de multiples séries italiennes. La majorité de sa carrière elle la passera en fait sur les planches en grande dame de théâtre qu'elle fut. C'est avec Salo qu'elle revient au cinéma en 1975. Après le film de Pasolini on pourra voir Paola dans trois sexy comédies de Mariano Laurenti La prof et les cancres,(elle est l'épouse de Lino Banfi) Les lycéennes redoublent (elle y joue la mère de Gloria Guida et de nouveau l'épouse de Lino Banfi) et La lycéenne séduit ses professeurs, son ultime film.
Dans Salo Paola est une des maquerelles, celle au chapeau blanc qui accompagne Caterina Boratto lors de la présentation d'Albertina aux seigneurs.
Quant à la malingre CARLA TERLIZZI elle eut une brève carrière cinématographique. Elle fait partie de ses actrices génériques qui n'ont fait qu'un passage express dans l'univers du 7ème art, la plupart du temps dans de simples rôles de figuration. Il semblerait que le film de Pasolini fut son baptême pelliculaire. Elle y interprète la seconde maquerelle, celle qui repère Doris et la réquisitionne après avoir tué de sang froid d'une balle dans la tête sa mère près de toilettes publiques. Elle la présente ensuite aux dignitaires aux cotés de Anna Recchimuzzi lors de la sélection à la villa.
Carla sera par la suite à l'affiche de trois films dans lequel elle tient de tout petits rôles: la comédie de Mario Bianchi Vento vento portali via con te puis Carrière d'une femme de chambre de Dino Risi et La cité des femmes de Federico Fellini, son ultime film avant de s'évaporer. De son passage dans Salo, le rôle le plus étoffé de sa carrière, ne subsiste qu'un très court plan. On l'aperçoit assise aux cotés de Doris à l'arrivée des quatre dignitaires à la villa. Tout comme Anna Recchimuzzi elle se lève à leur arrivée.
LES RABATTEURS:
Les rabatteurs sont donc chargés de recruter les futures victimes masculines. Parmi eux il y a "l'homme au chapeau" qui restera une des figures incontournables du film. Un visage pervers rubicond, vicieux, non crédité au générique, il est un des visages inoubliables de Salo. Il est notamment responsable de l'arrestation de Franco, jeté au fond d'un sac, comme il le dit si bien, après être tombé dans un piège tendu par une fille. Dans le scénario original il se nomme Galois. C'est l'acteur générique DANTE TRAZZI qui interprète ce personnage au faciès pervers. Bien connu des amateurs de films de genre Dante a passé sa vie à jouer les figurants et des rôles de troisième voire de quatrième plan, la plupart du temps non crédité. Il débuta sa carrière en 1964 chez Alberto Cavallone dans N come negrieri puis on le verra ensuite dans notamment Lutrig réveille et meurs, La longue nuit de Véronique, Revolver, L'emprise des sens, Cinq jours à Milan, La cité du crime... . Il terminera sa carrière au petit écran. En 1981 il incarne entre autre un terrifiant bourreau dans la mini-série I giochi del diavolo dans l'épisode La mano endemoniata. Dante meurt le 26 juillet 1983.
Parmi les rabatteurs membres de l'Ovra (Organizzazione per la Vigilanza e la Repressione dell'Antifascismo), nom donné en Italie à l'ensemble des services secrets de police politique actif d'abord entre 1930 et 1943 puis sous la République sociale italienne de 1943 à 1945, on reconnaitra un tout jeune ALESSANDRO GENNARI. Renommé Sandro dans le scénario original il est responsable de l'arrestation de Fabrizio Menichini, sa scène la plus marquante dans le film du moins dans la version qu'on connait puisqu'à l'origine son personnage avait plus d'importance lors des diverses arrestations. Né le 8 juillet 1949 à Mantoue ce jeune lombard était un ami et proche de Pasolini qui l'avait beaucoup aidé à repérer les différents lieux de tournage de Salo. Le cinéaste lui avait offert ce rôle non crédité au générique par pure amitié. Après des études d'architecture Alessandro s'oriente vers la mise en scène et devient assistant de production. Il collabore régulièrement avec Pasolini. Il se fait connaitre du grand public à travers ses romans et poésies ("Le raggioni del sangue / Les lois du sang" a obtenu le prix du premier roman) puis comme critique littéraire en collaborant à diverses revues. Obsédé par la mort, Alessandro est retrouvé sans vie à son domicile le 3 janvier 2000 à tout juste 50 ans.
LES TROIS TENANCIERES DE BORDEL:
Ce sont les trois putains, des tenancières de bordel plus exactement, qui accompagnent dans les campagnes les quatre seigneurs lors de la sélection des sodomisateurs. Chacune d'elle a emmené ses candidats, ses préférés, qu'elles présentent aux dignitaires. Ils seront choisis pour la taille de leur sexe. Ces trois reines-putains ont malheureusement disparu du montage final et ne sont donc pas créditées au générique. Difficile dans ses conditions d'identifier ces trois actrices dont la plus grosse, la plus gironde, celle habillée de blanc, était simplement appelée dans le scénario: La puttana. On peut en déduire que c'est elle qui avait le rôle le plus étoffé des trois.
La sélection des quatre fouteurs, une partie assez importante du film, fait partie des scènes qui disparurent avec le vol des bobines. Ne reste comme témoignage de l'existence de ces scènes que les très nombreuses et fort alléchantes photos de plateau, de tournage de Deborah Beer.
LES DUEGNES:
Il est intéressant de savoir que dans la version originelle, tout comme dans le roman de Sade, il existait également des duègnes, de vieilles femmes vicieuses chargées de s'occuper des futures victimes féminines. Pour les mêmes raisons elles ont aussi disparu de la version finale du film mais par chance elles subsistent sur les quelques clichés de plateau et de tournage pris par Deborah Beer.
ET L'HORREUR EUT UN VISAGE!