I padroni della citta
Autres titres: Mister Scarface / Rulers of the city
Real: Fernando Di Leo
Année: 1976
Origine: Italie
Genre: Comédie policière / Noir
Durée: 92mn
Acteurs: Jack Palance, Al Cliver, Harry Baer, Gisela Hahn, Enzo Pulcrano, Roberto Reale, Edmund Purdom, Vittorio Caprioli, Rosario Borelli, Pietro Ceccarelli, Salvatore Billa, Peter Berling, Raul Lo Vecchio, Giulio Baraghini, Enrico Palombini, Franco Beltramme, Nello Pazzafini, Sandro La Barbera, Marco Stefanelli, Michele Branca, Luciano Bottin, Dirce Funari...
Résumé: Deux petits voyous des quartiers de Naples, Ric et Tony, s'associent pour faire tomber un caïd de la pègre qui gère la plupart des grosses affaires illicites de la ville. Pour se faire ils décident de monter l'un contre l'autre Manzani et un petit boss mafieux afin de provoquer une guerre des clans. Si Tony a pour objectif ensuite de quitter Naples pour s'installer chez son frère au Brésil après s'être suffisamment enrichi Ric a d'autres motivations bien plus personnelles et surtout vindicatives...
La carrière de Fernando Di Leo peut se découper en quatre parties. Il y eut tout d'abord ses débuts où le futur grand réalisateur toucha à divers genres puis une seconde partie, la plus connue et surtout celle qui lui donna ses lettres de noblesse, sa partie films noir, ses polizeschi musclés et gangster movies (Milan calibre 9, Il Boss, La mala ordina, Diamants de sang...) qui forment le haut du panier d'une filmographie étincelante. La troisième fut quant à elle plus ludique, plus légère et comprend trois films qui se suivent et se complètent dans un certain sens, Colpo in canna / Ursula anti gang, I padroni della citta et Gli amici di Nick Heyzard, un relâchement plus ou moins sympathique avant une dernière ligne droite où
Di Leo se tourna cette fois plus vers un certain érotisme malsain (Avere vent'anni, Vacanze per un massacro) pour terminer bien faiblement son parcours cinématographique avec quelques séries B d'action sans grand intérêt (Killer contro killers). I padroni della citta appartient donc à la troisième catégorie et poursuit la brèche ouverte l'année précédente avec Ursula anti gang.
Un adolescent surprend Manzani, un dangereux boss mafieux surnommé Scarface / Le balafré en raison de la balafre qui marque sa joue, entrain de piller l'appartement de son père. Ce dernier gît au sol tué par Manzani lui même quelques minutes plus tôt. Avant de
s'enfuir Manzani qui contrôle la plupart des affaires illicites de la ville assomme l'enfant. Bien des années plus tard Ric, un jeune napolitain, s'associe à un autre jeune et habile escroc intrépide de la gâchette, Tony, afin de faire tomber Manzani. Son plan est de faire éclater une guerre entre Manzani et Luigi Cerchio, propriétaire d'une salle billard et caïd mafieux de moindre importance pour qui Tony travaille. Leur plan réussit grâce à l'aide de Vincenzo Napoli, un bandit sur le retour dont la sagesse n'a d'égale que la philosophie. Si les intentions de Ric restent floues Tony lui a pour désir de devenir riche, quitter le milieu et partir au Brésil rejoindre son frère. Les hostilités éclatent entre les deux chefs mafieux. Cerchio est
tué par son bras droit. Les hostilités sont désormais ouvertes entre les deux clans. Napoli conseille à Ric et Tony de quitter Naples mais ils refusent. Ric a une mission qu'il s'est juré de mener à terme: venger la mort de son père tué jadis par Manzani. Il est en effet l'adolescent que le caïd avait assommé. La confrontation sera sans merci.
La scène d'ouverture était particulièrement alléchante et laissait envisager un film noir de haut niveau où violence rimerait avec jouissance. Principalement filmée au ralenti on y découvrait un Jack Palance inquiétant, l'oeil vicieux, l'air cruel, tuer sans pitié un homme avant de s'en prendre à son fils qu'il laisse pour mort. Cette superbe introduction couplée à
un titre plutôt évocateur promettait une oeuvre cinglante dans la lignée des toiles précédentes du metteur en scène. Erreur! I padroni della citta s'oriente dés la fin de cette stupéfiante séquence pré-générique qui pose les bases du mystère sur lequel repose l'intrigue (qui de Ric et Tony est l'adolescent laissé pour mort) vers la comédie policière pure et simple. En ce sens le film est tout simplement la continuité de Ursula anti gang, à une différence près, Ursula incarnée par Ursula Andress était un peu moins soporifique puisque l'action y était bien plus présente. Si on s'attend à un film musclé, une pellicule d'action où s'enchainent cascades, bagarres viriles, courses-poursuites sous le feu des revolvers I padroni della citta sera une grosse déception puisque d'action il n'y en a quasiment pas si
ce n'est quelques échanges de coups de poing, une course à pied à travers la ville et une scène finale enfin explosive. Comme pour Ursula Di Leo choisit d'opter pour le comique, l'humour, les situations drôles sur fond de tragédie sociale. Contrairement à ses précédents films noirs, souvent violent, déchainés et cruels où s'affronte le gratin mafieux, il s'intéresse ici à la petite délinquance, les voyous de quartiers qui pour survivre s'organisent en clans prêts à entrer en guerre non pas pour des millions de dollars mais des crédits, des sommes dérisoires de quelques petits millions de lires seulement. Il la décrit avec une éminente sympathie à travers quelques personnages qu'il souhaite visiblement touchants en tête
Vincenzo Napoli, un malfrat d'un certain âge déjà nostalgique et pleutre qui tout au long du métrage déploie sa philosophie de vieux sage avec humour, parfois tendresse. A ses cotés deux jeunes hommes au caractère opposé, Tony, énergique, désinvolte et plein de rêves dont celui de se faire un nom dans le milieu, devenir riche pour s'installer au Brésil, et Ric, taciturne, énigmatique mais déterminé à régler bien des dettes soigneusement cachées dans son passé et qui le font haïr Manzani. Ses méchants sont dessinés de manière tout aussi humaine. Cerchio est un éternel perdant, aujourd'hui las, résolu qui ferait presque pitié tandis que son bras droit est un pauvre analphabète incapable d'écrire sur une feuille de
papier les noms qu'on lui demande. Et ce n'est pas pour rien que le final, l'ultime confrontation se déroule dans un abattoir, lieu hautement symbolique, où Ric révélera son identité.
Malheureusement le ton choisit par Di Leo ne fonctionne pas vraiment et l'humour finit par briser l'aspect tragique. Le manque de rythme, la tranquillité de l'ensemble finit par rendre le visionnage du film ennuyeux, par instant même longuet. La mise en scène ronronne beaucoup trop, appesantit une toile déjà à la base peu énergique. L'interprétation toute de qualité soit elle ne parvient pas à insuffler la force qui aurait pu lui redonner un peu de
dynamisme. Jack Palance n'a malheureusement que peu de temps de présence à l'écran et finit par mourir en fin de bobine, son éternel fume-cigarette à la bouche. Enzo Pulcrano joue aux cartes et joue du poing mais sans grande vigueur. Edmund Purdom, Nello Pazzafini, Raoul Lo Vecchio, Rosario Borelli et bon nombre de gueules du cinéma de genre sont au rendez-vous mais seul leur physique marque leur présence à l'écran. Quant au choix de l'allemand Harry Baer dans le rôle de Tony, question de coproduction, il reste toutefois discutable. Baer est séduisant, il transpire beaucoup des aisselles visiblement mais il n'est pas forcément crédible dans ce rôle de jeune délinquant de banlieue. Son personnage ne
fonctionne pas réellement malgré un jeu correct et finalement Al Cliver, futur acteur fétiche de Lucio Fulci, s'en tire bien mieux et demeure de façon plutôt inattendue la valeur sûre du film. A l'époque blond comme les blés, le visage fermé mais l'oeil séducteur, une allure de jeune play-boy taciturne, Cliver, alors compagnon de Annie Belle, trouve ici un rôle à sa mesure qui d'ailleurs prend l'avantage sur Baer lors de l'ultime bobine. L'atout charme revient à l'allemande Gisela Hahn dont le personnage de chanteuse de cabaret est bien inutile (et une torture pour nos oreilles). A noter que les plus observateurs reconnaitront la présence furtive de Dirce Funari non créditée.
I padroni della citta n'est pas un mauvais film, humour et dramatique pouvant faire parfois bon ménage. Le mariage ne prend simplement pas ici et le manque de nerf n'arrange pas vraiment les choses. Entre farce et tragédie, ironie et drame, comédie et polar I padroni della citta se rapproche plus d'un Bud Spencer, d'un Tomas Milian sur le tard que des oeuvres fortes et cruelles de Di Leo seconde catégorie. On appréciera ou non selon ses goûts mais de manière générale malgré quelques bonnes scènes, un joli final dirigé avec professionnalisme, l'ensemble demeure décevant.