Un posto ideale per uccidere
Autres titres: Meurtre par intérim / Fièvres brulantes de l'été / Oasis of Fear / An ideal place to kill / Dirty pictures / Oasis de miedo
Real: Umberto Lenzi
Année: 1971
Origine: Italie
Genre: Thriller
Durée: 84mn
Acteurs: Ornella Muti, Ray Lovelock, Irene Papas, Umberto Raho, Michel Bardinet, Jacques Stany, Ugo Adinolfi, Sal Borgese, Carla Mancini, Giuseppe Terranova, Tom Felleghy, Agostino O'Pazzo, Calisto Calisti...
Résumé: Ingrid et Dick, deux jeunes hippies en voyage en Italie, subventionnent leurs vacances en vendant de photos de nus d'Ingrid prises par son petit ami. Dénoncés par un pompiste, ils sont arrêtés par la police et doivent quitter le pays. Ils poursuivent cependant leur périple et demandent l'hospitalité à une femme, Barbara, une riche héritière américaine. Elle les héberge dans son immense propriété, le couple étant loin d'imaginer les projets machiavéliques que celle-ci fomente. Elle veut faire endosser à Dick le meurtre de son mari. Elle met tout en oeuvre pour que le malheureux laisse ses empreintes sur l'arme du crime. Lorsque Ingrid et Dick découvrent le cadavre, ils réalisent alors le piège diabolique dans lequel ils sont tombés. Ils vont tenter de retourner la situation à leur avantage...
Père du sexy giallo dont il posa les bases dés 1969 avec sa désormais célèbre trilogie, Orgasmo, Si douces si perverses et Paranoia, Umberto Lenzi réalise en 1970 Un posto ideale per uccidere qu'on pourrait aisément considérer comme une sorte de quatrième volet à ce triptyque si ce n'est sa conclusion logique.
Un posto ideale per uccidere connu sous de multiples titres français dont le plus fameux reste Meurtre par intérim suit le schéma habituel des précédents gialli du metteur en scène, l'intrigue tournant autour d'un piège machiavélique dans lequel vont tomber les deux principaux protagonistes, deux jeunes hippies danois, Dick et Ingrid, qui pour payer leurs vacances en Italie s'amusent à vendre des photos érotiques de la jeune fille. Recherchés par la police afin de les extrader, ils trouvent refuge dans la villa de Barbara, une riche épouse
d'un colonel de l'OTAN qui, réticente au départ, finit par accepter de les héberger. Si son comportement plutôt ambigu les intrigue l'atmosphère finit par se détendre jusqu'au moment où Ils découvrent le cadavre de son mari dissimulé dans le coffre de sa voiture. Si l'arrivée du couple a bouleversé ses plans, Barbara va très vite profiter de l'aubaine pour les faire accuser du meurtre. Réalisant le piège machiavélique dans lequel ils sont tombés, ils vont tenter de retourner la situation à leur avantage. Commence alors un dangereux jeu du chat et de la souris durant lequel la séduction et l'ingéniosité joueront un rôle important.
Un posto ideale per uccidere peut facilement se décomposer en deux parties. La première plutôt ludique et légère se contente de décrire la vie des deux hippies qui du haut de leur 18 ans volent d'aventures en aventures, la fleur aux dents. Au coté psychédélique des précédentes oeuvres de Lenzi succède ici la Flower Power generation tant visuellement que musicalement. Lenzi cède à la mode en faisant de cette première partie un film de jeunes inspiré de Easy rider. Le résultat est frais, allègre, ensoleillé, une véritable bouffée d'air pur qui permet à Lenzi de poser son regard sur la jeunesse soixante-huitarde à la fois
insouciante, sympathique mais potentiellement subversive, le tout sur fond d'amour libre et de liberté sexuelle. Autant dire que l'érotisme est très présent sous forme d'une multitude de plans de nu notamment d'Ingrid qui n'hésite pas à porter des tenues plus sexy les unes que les autres, innocemment aguicheuse, montrer sa poitrine ou poser nue pour des photos osées que son petit ami revend par la suite pour se faire de l'argent... ou quand l'ombre de la pornographie flirte sournoisement avec la libération des moeurs. Cela paraitra aujourd'hui joliment désuet mais remis dans le contexte de son époque, Lenzi fait preuve d'une audace
étonnante d'autant plus que Ornella Muti était alors mineure. Il faut cependant préciser qu'Ornella fut ici comme dans ses précédents films (Il sole nella pelle / L'amour dans la peau) doublée lors de ces scènes par sa doublure officielle, Antonia Santilli qu'on avait remarqué en tant qu'actrice dans Le boss et Orgie Mesdames les putes, ses parents présents sur chaque tournage refusant catégoriquement que leur fille joue nue.
Filmé sur fond de paysages méditerranéens, voilà qui rapproche Un posto ideale per uccidere des gialli maritimes, sous genre éphémère mais si sympathique qui connaitra sa
petite heure de gloire au début des années 70. Il en possède d'ailleurs la lenteur qui risque d'en rebuter certains. Même si Lenzi comme d'accoutumée y sème quelques indices qui serviront l'intrigue dans son dénouement, rien n'étant gratuit, l'action est quasi absente de cette première partie essentiellement rythmée par une bande-son composée de chansons pop légères qui fleurent bon les années 60, un régal auditif pour les amoureux et les nostalgiques de l'ère hippie bénie sur lequel on sillonne les routes, cheveux longs aux vents, à bord d'une voiture, d'un van aux couleurs criardes (ici une spider jaune poussin ornée de
fleurs) ou on danse des jerks endiablés sur fond d'images psychédéliques. A signaler que la superbe chanson thème du film "How can you live your life" est chantée par le groupe de rock progressif I leoni accompagné pour l'occasion de la chanteuse Lorenza Visconti. Totalement inédite, elle ne fut jamais éditée ni en vinyle ni en CD. Une pièce collector donc pour tout amateur de petites gemmes psychédéliques.!
La deuxième partie beaucoup plus intéressante, soit les 30 dernières minutes d'un film qui en compte 84, relève quant à elle du pur thriller. Intelligemment, Lenzi a finalement posé tous les éléments de son histoire, lentement, très lentement, trop lentement diront les esprits chagrin. Il peut donc enfin révéler le cadavre du mari bien caché dans la voiture de son épouse et par la même la véritable personnalité de Barbara, une prédatrice implacable, riche héritière qui resserrent ses griffes autour du jeune couple pour les faire accuser du meurtre.
Lenzi parvient à instaurer un véritable suspens auquel s'ajoutent quelques rebondissements de situation suffisamment efficaces à défaut d'être crédibles pour tenir en haleine son spectateur, voire le captiver, d'autant plus qu'il tisse entre ses trois personnages une relation souvent perverse, chacun tentant d'amadouer, de dominer l'autre pour mieux renverser les rôles le moment opportun, un jeu dangereux où rien n'est jamais vraiment gagné jusqu'au dénouement final tragique, un no happy end sombre et cynique qui devrait en attrister plus d'un par la cruauté du destin qui s'abattra sur les deux hippies fauchés en plein bonheur. Une
des grandes forces du film réside dans l'interprétation de ses trois personnages sur lequel il repose tout entier. La sombre Irene Papas, le visage toujours aussi comparable à masque grec, est une manipulatrice prête à toutes les ruses pour parvenir à ses fins, imprévisible, maligne, impitoyable mais qui sait user de ses charmes pour séduire ses hôtes forcés y compris Ingrid avec laquelle elle échangera un baiser saphique avant d'être violemment repoussée. Les plus observateurs remarqueront les boucles d'oreille phalliques qu'elle arbore lors de la fête qu'elle organise. Ornella Muti nous délecte de ses charmes encore
nubiles, parfaite dans le rôle d'Ingrid, jeune fille certes soumise à son petit ami mais qui représente cependant la femme libérée tant sexuellement que moralement, un brin féministe, sachant se dresser contre lui et prendre ses propres décisions. Quant à Ray Lovelock qui trouvait là son deuxième vrai grand rôle après l'excellent Les sorcières du lac dans lequel il interprétait déjà un hippie pris au piège cette fois par trois séduisantes mais redoutables sorcières, il irradie tout simplement l'écran par son insolente beauté et ses tenues seventies. On mentionnera la présence de Agostino O'Pazzo, pseudonyme sous
lequel se cache Antonio Mellino, déchainé lors d'un numéro de moto aussi spectaculaire qu'énervant.
Toujours au crédit du film, une mise en scène sobre mais toujours aussi maitrisée de la part de Lenzi, une très jolie photographie qui met en valeur la beauté des décors tant intérieurs qu'extérieurs notamment ceux de cette superbe villa aux couleurs chaudes et quelques effets visuels fortement estampillés fin années 60 mais toujours aussi plaisants, ces kaléidoscopes d'images psychédéliques et autres jeux de lentilles et de miroirs.
Un posto ideale per uccidere ne révolutionne en rien le genre, Lenzi applique simplement une recette vue et revue en utilisant les grosses ficelles du genre mais son professionnalisme, les qualités esthétiques du film, l'interprétation convaincante d'acteurs investis et cette atmosphère "beatnick" incomparable typiquement début années 70 en font une oeuvre très agréable, divertissante qui devrait faire le bonheur de tous les nostalgiques et amoureux de cette époque bénie et autres amateurs de machination (sympathiquement) machiavélique. Etrangement oublié, Un posto ideale per uccidere demeure malheureusement un des thrillers les moins connus du réalisateur qui aujourd'hui mérite largement d'être réhabilité... pour le peu qu'on ait l'âme fleurie.