Luca il contrabbandiere
Autres titres: La guerre des gangs / Luca le contrebandier / Contraband / The smuggler / Luca O contrabandista
Real: Lucio Fulci
Année: 1980
Origine: Italie
Genre: Polizesco
Durée: 93mn
Acteurs: Fabio Testi, Marcel Bozzuffi, Saverio Marconi, Ivana Monti, Guido Alberti, Venantino Venantini, Giordano Falzoni, Ferdinando Murolo, Ajita Wilson, Ofelia Meyer, Giulio Farnese, Cinzia Lodetti, Luciano Rossi, Tommaso Palladino, Venantino Venantini, Micky Di Angelo, Rita Frei, Nello Pazzafini, Salvatore Billa...
Résumé: Luca est un petit contrebandier à Naples. Le trafic d'alcool et de cigarettes lui permet de mener une vie décente auprès de sa femme et de leur jeune fils. C'est alors qu'arrive en ville un redoutable mafioso appelé Le marseillais, un homme implacable et barbare qui tente de mettre Naples sous son contrôle par tous les moyens. Luca va se retrouver au milieu d'une guerre qui n'est pas la sienne. Il va devoir se battre contre Le Marseillais à ses risques et périls. Furieux de cette entrave, le redoutable mafioso et ses impitoyables hommes de main vont tout faire pour se débarrasser de Luca. C'est alors qu'ils kidnappent sa femme...
Alors que le polizesco expire lentement certains réalisateurs tels Umberto Lenzi, Alfonso Brescia et Stelvio Massi tentent désespérément de lui redonner vie en tournant ce qui sera les ultimes exemples d'un genre autrefois fort prolifique en Italie. Voient ainsi le jour des titres tels que De Corleone à Brooklyn, Sbirro, la tua legge è lenta... la mia... no! et Poliziotto solitudine e rabbia pour Massi et Les contrebandiers de Santa Lucia et Napoli, Palermo, New York Palerme, il triangolo della Camorra pour Brescia. Lucio Fulci va de son coté et pour la première fois de sa carrière donner sa vision personnelle de ce style cinématographique typiquement italien au moment même où il donne à sa carrière un nouveau tournant amorcé en 1979 avec L'enfer des zombis. Le célèbre cinéaste entame en effet sa longue période horrifique marquée par ses excès gore. Luca il contrabbandiere se veut un habile mélange entre le film policier noir et le cinéma gore, un mariage explosif que Fulci va mener avec dextérité.
Produit par la Primex de Sandra Infascelli, Luca il contrabbandiere plus connu chez nous sous le titre La guerre des gangs (à ne pas confondre avec le film éponyme de Lenzi Milano rovente) appartient à la catégorie des films napolitains dits noir qui met en scène une sorte de Robin des Bois sous prolétaire, le fameux Luca du titre, en guerre bien malgré lui contre les gros bonnets de la contrebande, ceux qui utilisent violence et cruauté et ensanglantent Naples sous l'oeil souvent impuissant de la police. Fulci donne ainsi au film noir non seulement sa propre version mais lui apporte surtout son inventivité, son génie, cet esprit macabre qui fut le plus souvent sa marque de fabrique. Si Luca il contrabbandiere rappelle sur bien des points les oeuvres de Brescia avec Mario Merola ce qu'on retiendra avant tout de cet hybride entre le film noir et le film d'horreur ce n'est pas son scénario bien peu original,
son principal point faible avec une certaine lenteur qui caractérise la première partie, mais ses effusions sanglantes et ses innombrables scènes gore qui parsèment le métrage. L'amateur d'effets sanguinolents sera donc aux anges face à cette déferlante, il ne lui restera plus qu'à faire la liste des réjouissances. Les corps et les têtes explosent sous l'impact des balles, un homme est jeté vivant dans une mare de chaux vive, corps brulés... sans oublier la séquence qui donna au film sa sulfureuse réputation, celle où l'autrichienne Ofelia Meyer est défigurée à la flamme d'un chalumeau. Luca lui même est bien mis à mal, le visage horriblement tuméfié et ensanglanté après avoir été passé à tabac. Plus inhabituel chez Fulci est la violence sexuelle qui pourtant six ans après Les 4 de l'apocalypse nous gratifie d'un magnifique viol aussi sauvage qu'insoutenable mais si plaisant aux yeux des petits pervers
que nous sommes digne d'un véritable rape and revenge. L'amateur reconnaitra également cette insistance qu'a Fulci à filmer des corps chuter dans le vide. La mort de Enrico Maisto renvoie ainsi directement à celle de Marc Porel dans Non si sevizia un paperino et à l'ouverture de L'emmurée vivante. Omniprésente lors de la seconde partie, l'action se généralise et apporte cette force, cette énergie qui faisait quelque peu défaut au film jusqu'alors. Luca le contrebandier prend alors sa vitesse de croisière jusqu'au final grandiose où après une rafle spectaculaire dans les quartiers miséreux de Naples, les contrebandiers se feront décimés par les anciens boss de la mafia tandis que Le Marseillais, homme barbare sans état d'âme, s'effondrera bien symboliquement sous les balles de Luca sur un lit d'ordures, une fin déjà utilisé par Lenzi dans La rançon de la peur.
Luca il contrabbandiere souffre malheureusement d'un certain manque de crédibilité. Si
certains n'y verront qu'une sorte de spot publicitaire choc sur la contrebande, tout l'intérêt du film de Fulci hormis son aspect incroyablement outrancier provient cependant du personnage de Luca lui même, petit contrebandier perdu dans une histoire qui le dépasse dont il devient le témoin bien involontaire, une vendetta dans laquelle il se retrouve entrainé bien malgré lui. On est là face à un anti-héros à travers duquel Fulci tout en pointant du doigt les trafics de drogue tente de faire sournoisement une certaine apologie des mafia locales. C'est d'ailleurs par l'intervention des anciennes institutions mafieuses anti drogue que justice sera faite, que la paix reviendra au désespoir de la police. Aussi douteux puisse t-il être dans son discours La guerre des gangs, un titre plus approprié que son titre original, est un très bon polizesco expressément marqué de la patte du Maestro qui emprunte ça et là quelques jolies références notamment au Parrain et French connection. Véritable western urbain, sadique, paroxysmique, viscéral, outrageusement outrancier, dérangeant pour les
plus sensibles, le film de Fulci rythmé par une très efficace partition musicale signée Fabio Frizzi égale sans mal les meilleures oeuvres du genre. Filmé avec adresse et savoir-faire dans une Naples terne et grise La guerre des gangs dont le titre de tournage original était Violenza tient une place toute particulière dans la filmographie du Maitre qui l'appréciait beaucoup. Quant au spectateur, c'est avec un plaisir non dissimulé qu'il y retrouvera Fabio Testi dans le rôle clé. Si ce n'est pas là sa meilleure prestation, elle demeure certes un peu trop monocorde mais cependant honorable même s'il se fait quelque peu voler la vedette par ses partenaires notamment Guido Alberti, Romano Puppo, Saverio Marconi et surtout Marcel Bozzuffi, excellent et sans pitié dans la peau du Marseillais. A leurs cotés on se réjouira de voir toute une pléiade de comédiens indissociables du Bis transalpin dont Salvatore Billa, Nello Pazzafini, Venantino Venantini, Luciano Rossi sans oublier les participations exceptionnelles de Ajita Wilson et la surpulmonée Cinzia Lodetti, deux sexy starlettes de l'euro-trash. On saluera également la douce Ivana Monti pour sa difficile performance lors de son viol brutal.
Pour l'anecdote, Lucio Fulci confessait bien ironiquement que la fin du film avait été financée par la mafia elle même puisque le budget alloué avait été entièrement dépensé bien avant les ultimes prises.
On regrettera que pour sa toute première édition française en DVD, La guerre des gangs fut aussi mal traitée. Si on passera sur les nombreux défauts du DVD lui même tant sur le sous titrage que sur l'image, sur l'absence de la version italienne (sur laquelle Fabio Testi était doublé par une des plus belles voix du cinéma italien, celle de Pino Colizzi) on restera par contre béat et irrité face à une double édition franchement inutile et onéreuse truffée de bonus sans intérêt spécial ayant bien peu de rapport avec le film entre autres les réalisations de Yann Dhann et François Gaillard et les interminables commentaires de leur équipe ainsi qu'un documentaire sur la contrebande de cigarettes que n'aurait pas renier une chaine d'infos télévisée. Restent un petit livret et une brève interview de Fabio Frizzi. Les admirateurs de Lucio Fulci méritaient mieux que cette édition collégiale potache assez médiocre.