Cristiana la monaca indemoniata
Autres titres: Georgina la nonne perverse / La vocazione / Loves of a nymphomaniac / Our lady of lust / The Devil nun
Real: Sergio Bergonzelli
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Nunsploitation
Durée: 102mn
Acteurs: Toti Achili, Magda Konopka, Eva Czemerys, Vassili Karis, Jerry Ross, Carla Mancini, Bruno Boschetti, Maria Virginia Benati, Mario Guglielmi, Mario Casella, Gregorio Gandolfo...
Résumé: Cristiana, jeune et jolie jeune fille, est entrée au couvent. Elle est déchirée entre sa dévotion pour Dieu et sa vie de femme. Le sort va alors s'acharner sur elle. Elle se laissera aller au péché de chair avec un peintre qui voit en elle la réincarnation de Dieu puis c'est Soeur Eleonora, perfide et jalouse, qui l'entrainera avec elle dans la dépravation. En fuyant le couvent pour retrouver sa mère, elle ne connait que débauches et déboires qui la conduiront inéluctablement vers une terrible tragédie...
Artisan besogneux et chevronné du cinéma de genre pour lequel il s'essaya à quasiment tous les styles cinématographiques, grand spécialiste de l'érotisme sulfureux, figure incontournable de l'âge d'or du hardcore italien, Sergio Bergonzelli fit en 1973 une incursion dans le riche filon du nunsploitation avec Cristiana la monaca indemoniata devenu bizarrement en France Georgina la nonne perverse.
L'ouverture du film pouvait laisser présager du pire. Comment imaginer ne serait-ce qu'un instant une telle situation, qu'une jeune femme à la libido explosive aussi jolie soit elle (la Cristiana du titre) puisse être responsable d'une sidérante orgie très flower power dans un avion en plein vol qui soudainement a de graves soucis de moteur et menace donc de s'écraser. Voyant son heure arrivée, Cristiana implore donc Dieu et jure qu'elle rentrera dans les ordres si elle s'en sort vivante. Le Seigneur ayant apparemment entendu ses prières, l'avion parvient à atterrir sans dommage, Cristiana doit respecter sa promesse et rentre au couvent.
Après ce prologue incongru particulièrement absurde mais tellement drôle, le film change alors d'orientation. Construit comme un drame, La monaca indemniata s'intéresse avant tout à la tragédie que vit malgré elle Cristiana, une jeune fille d'une beauté angélique déchirée entre sa dévotion pour Dieu et ses désirs de femme, ce feu interdit qui la consume mais auquel elle doit résister. En plein doute, le sort va s'acharner sur elle en pavant sa route de personnages dépravés ou de mauvaise augure un peu comme le chemin de l'Enfer est pavé de ses victimes. Et l'enfer Cristiana va le connaître bien malgré elle. Elle va être la proie d'un destin qu'elle ne contrôle plus.
Sa chute commence par la rencontre avec un peintre, Massimo, qui épris de sa beauté voit en elle la réincarnation d'une sainte. Incapable de lui résister elle succombera à la tentation de la chair. Le retour de Luca, son fiancé, qui était jusqu'alors en cavale va encore plus lui compliquer l'existence. Recherché, elle le cache dans le clocher de l'église où elle le retrouve régulièrement pour lui faire passionnément l'amour. Mais la plus grande faiblesse de Cristiana est l'androgyne et perverse Soeur Eleonora, une traitresse intéressée qui lui fera découvrir les amours saphiques en lui offrant d'abord son amitié pour mieux lui voler par la suite son fiancé. Humiliée, trahie, blessée dans sa chair et son âme, Cristiana s'enfuit alors du couvent pour rejoindre sa mère dont elle découvre la vie de parfaite dévergondée.
Entraînée dans ce monde de dépravation, prise dans un tourbillon de débauche, elle donne libre cours à ses pulsions lubriques. C'est là qu'elle retrouve le peintre qui désormais ne voitplus en elle un ange mais la parfaite réincarnation de la nonne du Diable dont il veut maintenant capter le visage terrifiant. Lorsque Eleonora, meurtrie par le mal qu'elle a fait, se sentant responsable de la déchéance de Cristiana, tente de se repentir et racheter son âme en retrouvant la jeune fille, il est malheureusement trop tard. Plus rien de peut sauver Cristiana sur laquelle le destin, cruel, va s'abattre une dernière fois, une boucle vicieuse que seule la mort bouclera.
Point de happy end cette fois, la tragédie de Cristiana prendra fin lors d'une ultime séquence à la fois cruelle et émouvante qui la conduira à l'inéluctable après une dernière et terrible trahison. Si elle connaissait déjà l'Enfer sur Terre, en un dernier mouvement de folie, elle y foncera définitivement tel une punition divine pour avoir une fois de plus trahi Dieu. Une fin bien ironique qui verra la réunion des personnages qui la menèrent au drame et à qui il ne restera que les larmes et le repentir pour expurger leurs fautes.
Véritable tragédie, coup du sort, Cristiana la monaca indemoniata, s'il reste un pur film de sexploitation, tire sa force non seulement de son scénario plutôt intelligent mais surtout de l'intérêt que Bergonzelli porte à ses personnages notamment celui de son héroïne déchirée entre le Bien et le Mal. La monaca indemoniata est un film sur l'impossibilité de choisir, ledéchirement de l'être humain face à ses choix qu'il ne peut assumer par la force des choses. Le malheur et la malchance s'acharnent sur la jeune femme et la condamnent aux affres de la souffrance et de la perdition. Cristiana est un ange mais un ange déchu. Je ne pourrais pas voler plus bas murmure t-elle aux confins de la douleur.
Tourné en Grèce aux alentours d'Athènes dans de splendides décors naturels, rythmé par une très agréable partition musicale signée Elio Monti et Neil Cameron qui alterne avec bonheur chants religieux et rock fortement estampillé années 70 (dont l'envoutante chanson qui sert de thème principal au film), La monaca indemoniata n'est pas exempt d'un certainhumour qu'on retrouve ça et là par petites touches. Les nonnes qui batifolent dans le lac, Cristiana le pied malencontreusement attaché aux cloches les fait sonner à toutes volées lors d'un corps à corps passionné avec son amant, le petit ami de Cristiana qui fuit en slip au milieu du couvent devant les nonnes effarées... sont autant de moments de fraîcheur, de petites touches de lumière pour Cristiana noyée au milieu de ce drame en cornettes hautement teinté d'un psychédélisme de bon aloi.
L'érotisme étonnamment sage y tient cependant une place importante. Hormis les surprenants ébats dans l'avion qui ouvrent le film et ceux de Luca avec la pauvre Cristiana,une série d'intéressants plans de nu toujours dignes et quelques visions de nonnes dévêtues l'amateur de péché de chair devra simplement se contenter des passages qui témoignent de la vie de prostituée de Cristiana et de sa mère autrement dit quelques émoustillantes scènes d'orgie bourgeoises, bacchanales carnavalesques multicolores. On mentionnera également une scène visuellement superbe et O combien hérétique, celle où Massimo ayant pris l'apparence du Christ semble descendre de la croix pour faire l'amour à Cristiana, un grand moment de plaisir psychédélique kaléidoscopé.
On soulignera l'interprétation tout en justesse de la belle Toti Achili, jeune actrice grecquedont ce fut le seul rôle à l'écran, qui personnifie à merveille cette jeune fille en proie aux tourments de l'âme, fragile et forte à la fois, brebis égarée qui ne perd rien de sa troublante beauté quelque soit les drames qu'elle traverse. A ses cotés on retrouvera avec plaisir l'altière Eva Czemerys , superbe en putain mondaine, la polonaise Magda Konopka version coupe garçonne, troublante sous la robe de l'androgyne Soeur Eleonora, perfide à souhait, sans oublier Vassili Karis en peintre christique et l'un des princes incontestés du roman-photo à l'italienne Jerry Ross, le fiancé de Cristiana.
Cristiana la monaca indemoniata s'il fait partie des films les plus intéressants du metteur en scène il se classe également assez facilement parmi les nunsploitations transalpins les plus réussis en évitant en outre de tomber dans la facilité érotique. Cette nonne perverse mérite amplement d'être (re)découvert par les amateurs du genre.