Jenny Tamburi: Une réussite inattendue
L'Italie ne compte plus les jeunes starlettes qui firent leurs débuts à l'écran à l'âge où certaines jouent encore à d'autres jeux plus innocents. Et Jenny Tamburi en fait partie même si au départ tout ne fut qu'un concours de circonstances, un heureux hasard de la vie qui mena la belle enfant sous les feux de la rampe durant quelques vingt années.
De son vrai nom Luciana Tamburi, Jenny est née en 1956 et fut élevée par sa tante. Son histoire commença un beau jour au tout début des années 70 alors qu'elle n'a que seize ans. Alors qu'elle sortait d'une porte cochère, elle vit soudain un groupe de gens se précipiter vers elle, lui demandant si elle n'était pas actrice. Instinctivement elle répondit oui. Elle réalisa soudain que ces personnes étaient des agents de presse qui attendaient la venue d'une jeune vedette, la future héroïne de Splendori e miserie di Madame Royale / Que fais tu... grande folle!, le nouveau film de Vittorio Caprioli tardivement sorti en France en 1980. Cette confusion lui fut favorable puisque Caprioli lui fit faire des essais et la retint. C'est ainsi que la carrière de Jenny débuta. Si elle y tient un des rôles principaux, Jenny en assuma aussi le doublage. Alors qu'elle rêvait d'être hôtesse, de voyager, d'être libre, la belle enfant se retrouva donc par cet heureux hasard projetée sous les feux de la rampe.
Même si elle n'a jamais pris ce métier au sérieux, se prendre au sérieux dit-elle est dangereux dans ce milieu, Jenny va suivre des cours privés de comédie chez Tony Maesti, le père de la grande actrice de théâtre Anna Maesti. Du haut de ses seize ans, Jenny est une jeune fille de caractère, quelque peu effrontée, bien éduquée certes mais effrontée et inconsciente, une adolescente bien dans sa peau qui croque la vie à pleines dents.
En 1972, De Sisti lui offre un rôle dans Fiorina la vacca / Fiorina la vache, une décamérotique, genre alors très prisé, dans lequel elle donne la réplique à Janet Agren, Attilio Duse et Gianni Macchia. Jenny garde un souvenir très amusé du film, des souvenirs hilares tant elle s'est divertie avec ses partenaires comme lors de cette scène de lit où ils
doivent faire semblant de s'ébattre nus sous les couvertures. La même année, elle tourne Le sourire de la hyène / Il sorriso della iena, un petit giallo de Silvio Amadio où elle est créditée sous le nom de Luciana Della Robbia. Jenny s'explique: "A cette époque, je ne courais ni après la gloire ni la notoriété. On m'appelait, je tournais un film puis un autre. Signer sous mon nom ne m'intéressait pas outre mesure. Sur le set de Il sorriso della iena, Amadio m'avoua que mon nom ne lui plaisait pas et il décida de m'appeler Luciana- mon vrai prénom- Della Robbia. A cette époque, les réalisateurs disposaient des acteurs à leur guise". Le seul souvenir que Jenny garde de ce giallo c'est, hormis le bégaiement de Amadio, son partenaire Hiram Keller, le sexy dandy d'alors. Jenny était folle amoureuse du bel américain sur lequel elle ne tarit pas d'éloges physiques. Elle passa son temps à le draguer mais en vain. Hiram était gay mais à cette époque cela se cachait. Il resta sourd à ses avances tout comme à celles de Rosalba Neri, son autre partenaire.
1973 sera une grande année pour la jeune actrice puisqu'elle va se faire connaitre du grand public grâce à La seduzione de Fernando Di Leo aux cotés de Maurice Ronet et Lisa Gastoni. Au départ, son rôle devait revenir à Ornella Muti mais l'actrice n'étant pas disponible, il revint à Jenny. Si le film lui apporta la notoriété, elle en garde cependant un souvenir mitigé de par sa relation avec Lisa Gastoni qui ne l'appréciait guère et la gifla pour de vrai lors d'une scène du film. Lisa était belle, très belle mais hormis sa fragilité nerveuse, elle était obsédée par le peur de vieillir et ne supportait pas l'éclat de la jeunesse de ses partenaires féminines. Jenny pense qu'elle était maladivement jalouse d'elle. Elle s'entendit par contre très bien avec Maurice Ronet qui de son coté sortait souvent avec Lisa Tous deux rentraient souvent éméchés le soir.
Elle enchaine avec un film de nonnes, Le scomunicate di San Valentino de Sergio Grieco, une intéressante et tragique revisitation de Roméo et Juliette dont elle est la jeune héroïne. Le nunsploitation était alors un genre à la mode tout comme les films de prison de femmes. Elle tournera d'ailleurs un WIP en 1974, Diario segreto di un carcere femminile / Condamnées à l'enfer / Vie sexuelle dans une prison de femmes de Rino Di Silvestro où elle incarne une jeune fille injustement emprisonnée qui découvre l'horreur de l'univers carcéral aux cotés de Anita Strindberg, Eva Czemerys, Paola Senatore et Olga Bisero. Elle retrouvera le sympathique réalisateur en 1980 pour la tardive sexy comédie Bello di mamma avec cette fois Carmen Scarpitta pour partenaire.
Toujours en 1974, une année fort bien remplie pour la belle actrice. Jenny apparait dans le drame érotique morbide Morbosità de Luigi Russo aux cotés de Eva Czemerys, un rôle qui se rapproche de celui qu'elle avait dans La seduzione, puis dans La prova d'amore de Tizio Longo et la très médiocre parodie horrifique Plus moche que Frankenstein tu meurs de Armando Crispino avec Aldo Maccione qui fidèle à sa réputation tenta de la séduire en vain.
Sergio Martino lui offre un rôle dans Morte sospetta di una minorenne en 1975, Bruno Gaburro de son coté fait appel à ses services pour Peccati in famiglia dont elle a un bien mauvais souvenir tant elle fut traitée avec si peu de considération et de délicatesse. Pas même un verre d'eau ni une chaise à vous donner! se souvient-elle avec amertume.
En 1976, elle tourne pas moins de cinq films dont Sangue di sbirro de Alfonso Brescia dans lequel elle ne fait qu'une courte apparition dans le rôle de la petite amie de George Eastman et La moglie di mio padre de Andrea Bianchi.
En 1977, après qu'elle soit apparue dans le magazine Playmen, Lucio Fulci fait appel à son talent pour Sette note in nero / L'emmurée vivante aux cotés de Marc Porel. Un garçon si gentil mais ravagé par la drogue, tant et si bien que le tournage fut parfois dur d'autant plus que la relation qu'il entretenait avec Jennifer O'Neill était houleuse disait-elle alors. En repensant à Marc, elle ne peut qu'évoquer son amie Lilli Carati qui connut le même problème. Jenny a un regard très dur sur le milieu cinématographique d'alors. Les producteurs étaient sans pitié avec les jeunes actrices. Ils les utilisaient comme des choses, profitant de leurs illusions, leur innocence. Et Lilli en fut victime. La drogue brisa leur amitié car Jenny tenta de la raisonner pour l'en sortir, mais en vain.
Les années 80 approchent, Jenny tourne pour Salvatore Sampieri Liquidizia, pour Umberto Lenzi dans Pierino la peste en 81. L'actrice confirme le coté antipathique et dur du réalisateur mais elle en fit abstraction lors du tournage, s'en tenant à de simples relations de travail. La carrière de Jenny va alors connaitre un net ralentissement.
Elle retrouve le cinéma érotique avec l'audacieux Voglia di guardare de Joe D'Amato qu'elle évoque avec tendresse. Si le film contient des scènes très osées dont une où elle fait l'amour à Lilli Carati, la comédienne avoue qu'elle ne fut pas embarrassée de les tourner. Si au départ, c'est toujours difficile, tu te désinhibes très vite et considères cela comme un travail. Tu le fais ou pas mais si tu le fais, tu le fais sans honte. Jenny contrairement à beaucoup d'autres actrices ne renie pas ses scènes de nu ou de façon générale les films qu'elle a tourné, elle a toujours assumé ce qu'elle a fait, toujours de son plein gré et surtout avec plaisir.
En cette fin 80, Jenny tourne de moins en moins. Elle s'oriente alors vers le théâtre et fait salle comble plusieurs mois durant avec Aggiungi un posto a tavola. Le fait de devoir
faire des films médiocres la frustre après les succès qu'elle connut à ses débuts. Jenny doit alors faire face à un difficile choix. Elle prend la dure décision d'abandonner le cinéma. Continuer pour stagner ne l'intéressait plus. Dans la vie, il faut avancer! dira t-elle alors. Elle aurait voulu finir comme Monica Vitti ou Giovanna Ralli, deux de ses actrices fétiches mais ce ne fut pas le cas. Jenny devint agent de presse durant trois années durant lesquelles elle se demandera si elle avait fait le bon choix, trois ans à refuser des films, trois ans à douter puis un beau matin en se réveillant elle se sentit enfin heureuse et comprit qu'elle avait pris la bonne décision.
Jenny se reconvertit alors dans une autre branche, celle de directrice de casting et devint même une des plus célèbres d'Italie. En 2001, elle crée une école, la scuola Jenny Tamburi, spécialisée dans la récitation et la diction. Malheureusement, elle n'eut pas la réelle chance d'en profiter puisque atteinte d'une longue maladie elle s'est éteinte le 1er mars 2006 à tout juste 50 ans. Au revoir Jenny!